Le textile et habillement tunisien reprend de plus belle. Après la grisaille de 2009, l’année 2010 s’annonce prometteuse avec des échanges commerciaux en nette augmentation. Le secteur renoue avec la croissance et compte poursuivre son chemin par la migration vers d’autres perspectives de développement. A voir les chiffres fournis jusqu’ici pour l’année 2010, la reprise s’est faite graduellement. Après un début d’année difficile avec une baisse de -3,7% (en dinars) pour les exportations et de 2,4% pour les importations, les échanges ont repris timidement à partir du mois de février 2010, avec +0,8% et +5,64%.
C’est à partir du mois de mars 2010 que la reprise s’est fait réellement sentir avec une augmentation de 11,5% des exportations et de 19,3% des importations. Les produits exportés qui affichaient jusque là un recul conséquent, réalisent désormais une bonne performance, à l’instar des vêtements du travail, la lingerie féminine, le balnéaire, le pantalon jeans et les Tee-shirts. Une stabilité des échanges commerciaux a été ainsi constatée durant les neuf premiers mois 2010. Les derniers chiffres du mois de septembre 2010 indiquent une progression des exportations de 10,4% en valeur et de 20,8% pour les importations.
Des signes de reprise…
La reprise s’est, surtout, manifestée sur les marchés à l’export. Les principaux clients de la Tunisie ont affiché une augmentation de leurs importations tunisiennes, à savoir la France, l’Italie, la Belgique, l’Espagne, les Pays Bas et le Royaume Uni. Cette reprise ne s’est pas répercutée sur l’Allemagne qui affiche un recul de 2,4% durant les neuf premiers mois 2010. Au niveau des fournisseurs, la tendance est aussi à la hausse sur les marchés italien, turque, allemand, belge, espagnole et chinois. Le marché français a maintenu la baisse durant les sept premiers mois 2010 et affiche une légère augmentation de 0,5% à fin septembre. Il est à noter la performance du marché portugais, soit +47,9% durant les neuf premiers 2010.
Tous ces chiffres montrent que la reprise est vraiment là. Longtemps considéré comme un secteur à risque, le textile et habillement a montré une certaine résistance aux aléas de la crise. Les responsables du secteur ne cessent de le répéter : les entreprises performantes et qui ont investi dans le secteur sont celles qui ont résisté le plus. Les autres qui étaient moins performantes en termes de qualité et d’investissement immatériel ont connu des difficultés à surmonter la vague et certaines ont même fermé leurs portes.
Mais s’il y a un trait que la crise a dévoilé est qu’il n’est jamais assez d’investir et de mobiliser les fonds pour la montée en gamme. Tout le monde s’accorde déjà que le haut de gamme n’a pas été touché par la crise. Seuls le bas de gamme et le moyen de gamme ont subit la chute. Et à ce niveau, la Tunisie présente un avantage comparatif par rapport à ses concurrents asiatiques sur le plan de la qualité des prestations. La crise a également profité à la Tunisie en termes d’investissement étranger. Les européens sont de plus en plus intéressés par la délocalisation et par des partenariats avec les industriels locaux.
Un nouveau démarrage…
La crise a été aussi une opportunité pour les industriels tunisiens afin de chercher d’autres créneaux à développer. Il ne s’agit plus de subir la crise mais de s’adapter à elle et aux besoins du marché. Fast fashion et petites séries sont actuellement une exigence du marché européen. Et la Tunisie est le plus habilité à en profiter grâce à ses atouts de proximité et de délais mais aussi de qualité.
Mais à l’instar de la Tunisie, la crise a représenté un nouveau démarrage pour plusieurs entreprises performantes à travers le monde, et surtout en Europe. Les grandes marques axent leurs stratégies sur le développement de nouveaux produits prenant compte des attentes de la clientèle et les mutations dans le comportement des consommateurs. L’intérêt pour le produit ne s’arrête désormais pas uniquement au niveau du design mais aussi au niveau de sa fonctionnalité. On mise, ainsi, sur le développement de nouvelles marques plus créatives et innovatrices. Il s’agit aussi de développer une logistique plus efficiente qui permet une meilleure optimisation de la gestion des flux, un sourcing de proximité qui permet une réactivité bien mesurée par rapport au marché et un gain en compétitivité conféré par l’optimisation des délais. «De grandes marques lancent trois ou quatre collections par an. Une marque internationale très connu et qui est présente en Tunisie réalise 12 collections par an. C’est une façon de stimuler la vente mais aussi de ne pas se laisser copier», nous indique Abdelaziz Dahmani, président de la Fédération Nationale du Textile (FENATEX).
En Tunisie, il s’agit d’effectuer la montée en gamme qui permettra au secteur de conforter son positionnement sur le marché européen et d’imposer le savoir faire tunisien, en s’appuyant bien évidemment sur la créativité et l’innovation. Un objectif qui se réalisera également par le développement de nouveaux créneaux porteurs.
«Nous comptons énormément sur les jeunes qui veulent apprendre ce métier. Passer à la co-traitance et au produit fini nous permettra de faire face à la concurrence. Pendant la crise économique et financière, nous avons pu maintenir notre positionnement en tant que 5ème fournisseur de l’Union Européenne et nous tenons à la garder. C’est pour cette raison qu’il faut améliorer notre savoir faire pour ne pas perdre notre part du marché», ajoute M. Dahmani.
Des créneaux porteurs…
Comme créneaux porteurs, on pourra, ainsi, évoquer le textile technique qui constitue en lui-même une révolution pour le secteur. Son évolution fût rapide, avec une part de marché qui est passée de 65 milliards d’euros en 1995 à 85 milliards d’euros en 2005. On estime qu’elle atteindrait les 100 milliards d’euros en 2010. Selon les données du Centre technique du textile, la consommation moyenne annuelle de ce genre de textile ne cesse d’augmenter. On prévoit le volume à 16,5 millions de tonnes en 2010 contre 13,6 millions de tonnes en 2005.
Les textiles techniques représentaient 30% des textiles vendus en Europe et 40% au Japon et aux Etats-Unis d’Amérique, en 2005. Les domaines d’application du textile technique sont divers, et touche à l’agriculture, au bâtiment et à la construction, l’habillement et la chaussure, aux géotextiles et textiles de génie civil, le mobilier, les tissus d’ameublement, le packaging, la filtration, la santé, l’automobile, le sport, etc.
En Tunisie, on avance à petits pas. On compte actuellement 115 entreprises qui fabriquent des produits à base de textiles à usage technique, dont 105 du secteur textile habillement. En 2009, les exportations tunisiennes des produits textiles à usage technique se sont élevées à 276 MDT, en baisse par rapport à 2008 (298 MDT) et à 2007 (323 MDT). Certains produits fabriqués à base de textile technique ont connu également une évolution notable tels que les airbags (69 MDT contre 33 MDT en 2008) et les composants en fibre de verre (19 MDT contre 14 MDT en 2008). Le développement d’une industrie de l’aéronautique en Tunisie pourrait stimuler l’intérêt des industriels vers ce créneau puisque plusieurs composants de l’avion sont des produits textile.
Consolider les acquis…
Pour le secteur, il s’agit de consolider les filières porteuses comme la maille, qui connait une évolution remarquable, ces dernières années. Selon le CETTEX, le développement de cette filière est dû à la délocalisation de nombreux acteurs européens et à l’implantation de plateformes étrangères de sourcing intégrant plusieurs fonctions allant de l’achat des matières premières jusqu’à la logistique.
A ce niveau, on considère que le développement de l’activité Tee-shirt serait une opportunité pour la Tunisie pour conforter son positionnement sur le marché européen. 240 entreprises y travaillent, employant 25.500 personnes. Sa part dans les exportations ne cesse d’augmenter passant de 6,8% en 2005 à 10,7% en 2009. Son chiffre d’affaires à l’export est de 510 MDT, soit 66 millions de pièces vendus en 2009. Il est actuellement le troisième produit exporté en habillement et la Tunisie est son septième fournisseur. On note, également, que le Tee-shirt a bien résisté à la crise, enregistrant un recul de 4,6% en valeur et de 1,5% en volume par rapport à 2008. Pour les huit premiers mois 2010, sa performance est de 11,47% en valeur et de 10,95% en volume.
L’Union Européenne importe ce produit essentiellement des pays asiatiques tels que le Bangladesh et la Chine mais aussi de la Turquie. La Tunisie peut améliorer son positionnement sur le marché européen avec l’augmentation des coûts de production en Asie, ce qui a favorisé les pays de proximité comme la Turquie. Le développement de cette activité permettra de booster les exportations tunisiennes sur un créneau porteur. Mais faudrait-il que ce soit dans le haut de gamme, indique les experts du CETTEX, pour différencier l’offre tunisienne et diversifier les marchés.
Une montée en gamme qui ne pourra s’effectuer sans la migration vers d’autres perspectives de développement et sans le passage à la co-traitance et au produit fini. Pour l’ensemble du secteur textile, Il s’agit, désormais, de booster la créativité et l’innovation, d’investir dans la formation du personnel, de migrer vers les nouvelles technologies et d’investir énormément dans l’immatériel.