Pas de licenciement, horaires libres : Besancenot en a rêvé, Georges Fontaines patron de Techné l’a fait

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é, un fabricant de joints industriels pose dans l’un des établissements de l’entreprise à Etrechy le 18 Octobre 2010. (Photo : Eric Piermont)

[05/11/2010 13:53:17] ETRECHY (Essonne) (AFP) Pas de licenciement, même au plus fort de la crise, des horaires libres, des ouvriers propriétaires de leur usine: Olivier Besancenot en a rêvé mais c’est Georges Fontaines, le patron de Techné, un fabricant de joints industriels, qui l’a fait.

Crinière blanche, teint hâlé, lunettes cerclées de noir: cet homme de 66 ans au look de publicitaire, qui reçoit dans l’un des trois sites du groupe en France, travaille pour l’industrie européenne. On retrouve les joints Techné dans les voitures, les chariots élévateurs, les compteurs d’eau et les machines à laver, mais aussi les montres de luxe ou les vélos de compétition.

Après un BTS technico-commercial, ce natif de la Croix-Rousse (la colline des Canuts à Lyon) trouve un emploi chez Garlock, fabricant américain de matériaux d’étanchéité. Quand sa filiale française passe sous le contrôle du sidérurgiste Colt, en 1981, il négocie son départ et s’en va fonder Techné, avec pour seul capital de départ sa prime de licenciement.

Aujourd’hui la tête d’une PME de 160 salariés, dont le siège est à Morancé-en-Beaujolais (Rhône), ce fils d’un chauffeur de bus a beau être le patron, terme qu’il “défend et assume”, il n’a rien renié de ses origines modestes, et se définit même comme un “patron militant”.

En témoigne son bilan social: 4% de la masse salariale consacrée à la formation (cinq fois l’obligation légale), un turn-over quasiment nul, un taux d’absentéisme inférieur à 2% (la moyenne nationale est de 7,6%), un écart de 5 entre le salaire le plus faible et le plus élevé, sans oublier l’intéressement et la participation.

Militant, Georges Fontaines, que le personnel tutoie et appelle par son prénom, l’est aussi à l’extérieur de l’usine: il forme des jeunes à la responsabilité patronale au sein du réseau Entreprendre.

Philippe Drot est ouvrier depuis 20 ans dans l’entreprise. Il apprécie la “liberté” qui lui est laissée. Car chez Techné, il n’y a pas de pointeuse: la conscience professionnelle en tient lieu.

Et ce n’est pas le patron ou la banque qui est propriétaire des murs, comme c’est presque toujours le cas, mais les salariés, constitués en société civile immobilière (SCI). Techné loue les locaux à la SCI, et chaque actionnaire touche sa part du loyer. Certains employés, pour qui être propriétaire revenait à “être du côté du capitalisme”, ont été un peu difficiles à convaincre, reconnaît M. Fontaines.

Pendant la crise, malgré une baisse de 30% du chiffre d’affaires, comme beaucoup de patrons de PME, il n’a eu qu’une idée en tête: “ne pas licencier, ne pas perdre d’argent, ne pas perdre de clients”.

Pari tenu: Techné recourt au chômage technique, encourage le personnel à profiter de l’arrêt des commandes pour se former, mais préserve l’effectif. A fin octobre, le chiffre d’affaires affichait une hausse de 42%. “Si on n’avait pas eu l’équipe au complet, on n’y serait pas arrivé”, fait-il valoir.

Pour cet entrepreneur formé au Centre des jeunes dirigeants, un mouvement patronal né en 1938 pour défendre une “économie au service de l’Homme”, ne pas licencier est une question de principe. “Le travail, c’est une chose très importante pour l’Homme. Lorsqu’il perd son travail, une grande partie de sa solidité s’effondre”, dit-il.

Dans le même esprit, lorsque Techné a ouvert une usine dans le sud de la Chine en 2004, il n’était “pas question” de délocaliser insidieusement la production, mais d’offrir de nouveaux débouchés à la PME. Car M. Fontaines en est convaincu: “pour vendre en Chine, il faut produire en Chine”.

Pour associer les salariés à ce nouveau défi, il emmène les volontaires et leurs conjoints en Chine. Sur place, ils peuvent constater que les ouvriers chinois ne leur font pas concurrence.

Et qu’ils sont bien logés et nourris. Du coup, seuls 15% ne reviennent pas travailler à l’usine après le Nouvel An chinois, un “taux de casse” qui peut aller jusqu’à 70% dans d’autres usines, s’enorgueillit M. Fontaines.