Dans toutes les sociétés et de tout temps, on a voué une vénération particulière aux entrepreneurs qui réussissent. Porteur de changements bénéfiques, les entrepreneurs à succès sont perçus comme des conquérants repoussant plus loin le champ du possible… Christophe Colomb ambitionnait de trouver une nouvelle voie maritime plus sécurisée vers l’Inde, Henry Ford voulait permettre à chaque américain de s’offrir une voiture, et Steve Jobs rêvait d’offrir à tous un accès libre et instantané à l’information… Le parcours de chacun d’eux n’a pas été un long fleuve tranquille. Le succès rencontré ne doit pas cacher les épreuves endurées.
En effet, pour réussir, il faut d’abord peiner à entreprendre. Réunir des moyens et des ressources pour réaliser son rêve n’est pas une mince affaire. Travailler dur pour atteindre les objectifs escomptés ne suffit pas toujours. Pour tenir le cap contre vents et marées, il faut de l’acharnement et une détermination guidée par le sens qu’on donne à sa mission…à sa vie. Ce n’est pas un hasard que toute stratégie d’entreprise repose sur le triptyque Mission, Vision et …Valeurs. La tâche est d’autant plus difficile que l’entrepreneur doit satisfaire, en plus de lui-même, plusieurs parties prenantes ; les clients, les actionnaires ou financiers, les employés et la Cité. Il est évident que l’échelle de priorité dans la satisfaction des parties prenantes évolue fonction du temps et selon la maturité de l’entreprise.
Il apparaît donc utile d’analyser le parcours entreprenarial, pour adapter le cas échéant notre perception ou le traitement qu’on devrait réserver aux entrepreneurs sur leur chemin de croix. Sans que cela ne soit exclusif, trois grandes phases se distinguent dans la plupart des parcours, et qui sont résumées ci-après.
La première phase « pre-acting » correspond à une étape conceptuelle de mise en perspective de l’objet de l’entreprise et la modélisation des risques par le futur entrepreneur. C’est un exercice vital pour la transformation d’idées en projets. Durant cette phase, se déroule un processus par lequel le futur entrepreneur, seul ou à plusieurs, prend conscience que le fait d’entreprendre constitue une option ou une solution viable ; on prépare son projet, et on se projette dans le futur…le mobile se trouve essentiellement dans l’ambition personnelle qui nourrit l’entrepreneur et dans sa volonté d’aller jusqu’au bout du rêve.
La phase « acting » correspond à la mise en partage d’un certain nombre de fonctions qu’on a du mal à exercer seul, c’est la dimension collective de l’entreprenariat ou la confrontation directe de l’intelligence individuelle à celle collective. Cette phase marque le passage du projet à l’entreprise. Durant cette phase, l’entrepreneur se doit non seulement de passer à l’acte, mais aussi d’offrir du travail à d’autres et à collaborer avec des partenaires externes (client, fournisseurs, administration,…). Notons que dans cette étape, toute la richesse de l’entreprise est mobilisée pour la croissance, voire la survie de l’entreprise, dont elle-même dépend bien souvent la survie de son entrepreneur.
Enfin, la phase « post-acting» qui est l’aboutissement du chemin entreprenariale. C’est la consécration de la réussite et un moment de reconnaissance sociale. Cette phase marque le passage d’entreprise singulière à entreprise plurielle… avec sa dimension éthique de contribution au bien-être de la Cité. Atteindre cette étape, veut dire simplement qu’on n’a plus rien à prouver à soi-même. Alors on entreprend par plaisir d’entreprendre, pour les autres et pour renforcer le sens qu’on s’est donné à sa vie,… on cherche à créer de la valeur, tout en étant également attentif à ce que la richesse réalisée ne soit pas totalement distribuée aux actionnaires mais assure aussi la pérennité de l’entreprise, et profite à ceux qui y travaillent. Veillant ainsi à ne pas tomber dans la recherche systématique de la rentabilité à court terme.
Chacune de ces phases a sa légitimité, son utilité sociale. Ces trois actes se complètent et peuvent co-exister voire s’hybrider, pour donner à l’entrepreneur le rôle qui lui sied dans le tissu socio-économique. Cela mériterait une nouvelle considération de la part de l’administration et des services publics de notre pays.
En ces temps économiques troubles, entreprendre est devenu un acte de bravoure…Notre pays a besoin, et plus que jamais, d’entrepreneurs capables de créer de nouvelles entreprises, mais aussi de développer celles existantes. La place des entrepreneurs dans la société devrait donc être particulière, dans le sens où l’on doit favoriser d’une part leur éclosion, par le biais de dispositifs éducatifs et incitatifs, et d’autre part, en favorisant les synergies et alliances morales et pécuniaires en vue de booster leurs potentiels entreprenarials. Soyons patients et indulgents envers ceux qui risquent tout pour créer de la richesse. Permettons leurs d’arriver à la phase post acting. Une fois atteint le sommet du succès, tout entrepreneur citoyen, se rappellera toujours qu’il vaut ce qu’il donne à sa communauté.