Six mois après avoir cédé Topnet à Tunisie Telecom, Mohamed Mehdi Khemiri est de retour avec un projet de fonds d’investissement spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication. Interview de celui qui commence à devenir un serial entrepreneur.
WMC : Il y a près de dix ans vous avez créé Topnet que vous avez cédé cette année à Tunisie Telecom. Vous êtes en train de préparer un nouveau projet. De quoi s’agit-il ?
Mohamed Mehdi Khemiri : Je suis en train de créer un fonds d’investissement spécialisé, comme son nom (Innovest) l’indique dans l’investissement dans l’innovation à forte valeur technologique, et spécialement dans les technologies de l’information et de la communication. L’objectif est d’être présent sur les trois niveaux de l’investissement : l’amorçage, c’est-à-dire la création de nouveaux projets, le développement de projets existants, et la reprise –un domaine qui n’est pas très développé et que je souhaite développer.
Avec l’expérience que j’ai maintenant, je me vois reprendre, par exemple, une filiale qui tourne lentement, qui a eu des problèmes de management, ou être une société d’importance secondaire pour un groupe spécialisé dans une autre activité, ou être confrontée à des difficultés financières ou autres.
L’idée, donc, est de se focaliser sur des entreprises et des secteurs d’activités à forte valeur ajoutée en termes d’innovation. Sont donc exclues les activités traditionnelles comme l’industrie, l’immobilier, etc.
L’objectif de ce fonds c’est, en capitalisant sur mon expérience personnelle, c’est d’apporter une forte valeur ajoutée au niveau du management et de l’expertise technique. Certes, le premier apport est de financer le projet, mais aussi de l’accompagner au niveau opérationnel, donc du management, de la vision stratégique, de la recherche de marchés, etc. Pour cela, il faut monter une équipe spécialisée dans les nouvelles technologies.
Nous ne serons pas de simples bailleurs de fonds. L’âme même de l’entreprise c’est, certes, l’investissement dans les nouvelles technologies, mais c’est de l’investissement actif. Donc, nous n’allons nous engager que dans les projets ayant besoin de fonds mais également de coaching, d’accompagnement. Et nous voudrions aussi, une fois que le portefeuille d’Innovest grandi c’est de créer une synergie entre les différentes entités.
Même au niveau de la recherche, nous n’allons pas être passifs et attendre que le porteur d’un projet frappe à notre porte.
Les gens me disent qu’en Tunisie nous avons un problème de porteur de projets. Moi, je pense qu’on manque peut être de porteurs de projets parfaitement polyvalent, expert, manager et financier, capable de monter le projet, concevoir le business plan, et gérer.
Nous, nous voulons être plus inventifs et prendre une personne qui en est encore au stade de l’idée, mais chez laquelle on sent un potentiel, pour l’accompagner dans la phase de conception et de définition du concept. A la lumière de mon expérience avec Topnet, je suis convaincu que certaines personnes peuvent ne pas avoir l’expertise et l’expérience mais peuvent être compétent et constituer une bonne «matière première » qu’il faut travailler. Il suffit de leur donner un cadre motivant, de les encadrer et leur donner le temps et les moyens pour qu’ils exploitent à fond leurs compétences. J’espère qu’on sera capable de faire cela.
Vous allez mettre combien dans ce fonds ?
Six millions de dinars. L’objectif est d’investir deux à trois millions de dinars par an et de progresser par pallier. Si on réussit le premier, on va lever des capitaux ou en injecter. D’ici deux à trois ans on aura une meilleure visibilité sur les besoins futurs.
Le succès appelant le succès, si on réussit sur les six premiers millions on pourra aller plus loin et on sera capable de lever sur le marché institutionnel ou sur la bourse. Car le potentiel de l’investissement en Tunisie même dans les nouvelles technologies dépasse de loin les 6 millions de dinars.
Vous avez réuni un tour de table ?
Non, la société est constituée avec les anciens actionnaires de Topnet. C’est une partie de la plus value de la vente de Topnet qui a été mise dans ce fonds d’investissement. Au début, ce sera un projet familial, sans institution derrière. Mais le but c’est vraiment de gérer de manière innovante. Pour moi, l’innovation peut se situer dans la gestion. L’innovation ce n’est pas seulement produire de nouvelles idées, c’est aussi faire les choses autrement. Mon objectif est, donc, de faire quelque chose autrement par rapport à ce qui existe sur le marché financier.
A terme, est-ce que vous envisager d’ouvrir le capital du fonds à des investisseurs ?
Certainement. Dans n’importe quel projet, il faut avoir toujours présent à l’esprit qu’on peut réussir ou échouer. Le notre est un projet risqué, mais nous sommes fortement conscients quant à sa réussite. Et une fois qu’on aura réussi, c’est-à-dire qu’il y aura des projets financés, une certaine expertise, une notoriété sur le marché, une ouverture sur de nouveaux projets, et, donc, des besoins, on lèvera des fonds sur le marché, que ce soit institutionnel ou sur la bourse. On peut organiser un tour de table réunissant des institutionnels, ou des entreprises ayant besoin d’investir pour des raisons stratégiques –diversification- ou fiscales.
Avez-vous repéré des projets ?
Oui, nous sommes en train de travailler sur quelques projets. Mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant.
Le périmètre d’intervention du fonds se limite-t-il à la Tunisie ?
Quand on parle start-up il faut avoir une vision très optimiste. En démarrant une start-up, un Américain n’en limite le terrain à la seule Californie, par exemple. Il pense à toute la Tunisie et à l’international dès le début. Il n’y pas de raison pour que le Tunisien n’en fasse pas de même, même si cela doit passer par des étapes.
Une bonne start-up qui se respecte doit avoir pour ambition d’être d’abord un champion local, puis régional et pourquoi pas international. Un entrepreneur doit rêver. Donc, nous allons rêver de financer des start-up à l’échelle internationale. Mais pour réussir à ce niveau, une start-up doit d’abord s’imposer sur le marché local et régional. Et nous avons déjà des exemples de réussites en dehors de la Tunisie : le groupe TLG, qui s’est développé au Maghreb et maintenant en Afrique, Traveltodo, Vermeg, etc. La Tunisie a le potentiel d’avoir des champions régionaux et des start-up à l’échelle internationale dans les TIC.
(Suite)
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