Les fils de l’Empire Ottoman d’antan se réveillent. Ils ont mangé du lion. Ils
sont là. Debout. Face à la mondialisation. Au deuxième trimestre de 2010,
indique un rapport de la
Banque mondiale, le pays a enregistré 10,2% de
croissance économique, ramené sa dette publique, en moins d’une décennie, de 75%
du PIB à moins de 40%, fait bondir la production, de la mi-2009 à la mi-2010, de
plus de 10%, la plus forte progression mondiale derrière la Chine, et aligné,
depuis la grave crise financière de 2001, six excédents budgétaires de 6% du
PIB. Alors qu’au cœur de l’Europe, de vieux Etats-nations industrialisés
manquent à la discipline de Maastricht, croupissent sous la dette publique,
crient leur désarroi devant le monstre inflationniste et implorent l’aide et le
pardon de Bruxelles.
L’heure des « tigres anatoliens » a sonné. Désormais, aux portes de l’Europe,
une petite Chine veille. De 77 millions d’habitants. Ténor du BTP et des postes
de télévision. Deuxième producteur mondial de verre plat. Sixième en textile. Un
des grands européens de la téléphonie mobile. Belle leçon de dynamisme de la
part d’un pays, objet de l’ostracisme de certains dirigeants du vieux continent
(Sarkozy est à leur tête) et dont le risque de défaut de paiement s’avère, selon
les marchés, inférieur à celui de l’Espagne…Aujourd’hui, en Turquie, on inaugure
une usine par jour, souligne Pekin Baran, vice-président de la Tusiad,
l’homologue turc de l’Union Tunisienne pour l’Industrie, le Commerce et
l’Artisanat.
A bon entendeur…Salut.
Au fait, en dépit de la tension armée persistante au sud-est du pays, aux
confins de l’Irak notamment, de la guérilla politique déclarée de la hiérarchie
militaire vis-à-vis du gouvernement d’Erdogan, des arrières pensées des
dirigeants européens, qui lui refusent le ticket d’entrée au club de l’Union (
la candidature date de 1987) et de la sourde animosité de Tel-Aviv, consécutive
au nouveau positionnement d’Ankara dans le conflit moyen-oriental, les enfants
de l’Anatolie, dont les revenus ont bondi de moitié en moins d’une décennie,
affichent un niveau de vie en plein boom, sortent de la crise plutôt que les
autres, maintiennent l’inflation à hauteur de 8% (jadis elle a atteint 1000%)
font preuve, insistent des économistes de tous bords, d’une discipline
macroéconomique impeccable et placardent fièrement 2 millions de P.M.E
innovantes, éprises de bons de commandes, porteuses de progrès et ouvertes à la
mondialisation.
A l’aube de ce nouveau millénaire, la Turquie n’est plus seulement un enjeu
politique, une métaphore des rivalités est-ouest. Ce temps n’est plus. La guerre
froide a vécu. L’Anatolie devient maintenant un enjeu économique. Une niche de
croissance. Un émergent. Qui clame et réclame. A sa tête 28 milliardaires en
dollars. Plus que le Japon. Il s’agit de la porte naturelle de l’occident vers
l’orient. La route de la soie renaît. Les investisseurs internationaux se
bousculent à Istamboul. Les rives du Bosphore retrouvent leur aire d’influence
d’antan. Le commerce anatolien reprend langue au Maghreb, en Asie, au
Proche-Orient et en Afrique pour compenser la déprime du vieux continent, ce qui
fait du cabinet conservateur de Tayyib Erdogan, affirment des experts
internationaux, le plus favorable au business des 63 gouvernements qui se sont
succédés dans le pays depuis la révolution d’Atatürk en 1923.
« Grâce à une Banque centrale indépendante, qui maintient des taux d’intérêt à
des niveaux musclés, à un marché intérieur bientôt plus peuplé que l’Allemagne
et à une caste d’hommes d’affaires dont la capacité d’adaptation est
impressionnante face aux innombrables crises subies durant les deux dernières
décennies, Istamboul et ses forces vives ont réussi à recréer la moitié du
million d’emplois perdus en 2008 », souligne dans un interview au journal « le
Monde » Monsieur Ersdal Karamercan, patron du conglomérat Eczacibasi, qui met
l’accent aussi sur la rigidité du marché de l’emploi, la persistance d’une
économie grise se taillant le quart du PIB (elle permet de minorer les
statistiques du chômage qui est à 10%), les obstacles d’une fiscalité,
constituée pour deux tiers d’impôts indirects frappant les pauvres et de la
permanence d’un Etat mamma coûteux, tentaculaire, avec des départs à la retraite
à….50 ans.