La suppression de l’ISF promet un débat enflammé pour la présidentielle

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éo de Nicolas Sarkozy lors de son intervention le 16 novembre sur TF1, France 2 et Canal +.

[17/11/2010 16:35:56] PARIS (AFP) Nicolas Sarkozy va créer un nouvel impôt sur les revenus du patrimoine pour se débarrasser du bouclier fiscal devenu un boulet politique, mais la suppression simultanée de l’impôt sur la fortune promet un débat enflammé et à risques d’ici à la présidentielle de 2012.

Emblématique du quinquennat, le bouclier fiscal, que le chef de l’Etat voulait intangible, devrait passer à la trappe à la faveur d’un projet de loi de finances rectificatives attendu au printemps 2011.

M. Sarkozy en a implicitement acté la fin mardi soir: interrogé sur la suppression concomitante du bouclier et de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), il n’a pas démenti l’idée et, sans reprendre les journalistes, a enchaîné en annonçant la “création d’un nouvel impôt sur le patrimoine”.

“S’il n’y a plus d’ISF, il n’y a plus besoin de bouclier fiscal”, a-t-il fait valoir.

Jusqu’ici plutôt favorable à l’aménagement qu’à la suppression pure et simple de ces impôts, le chef de l’Etat s’est finalement rangé à l’avis d’une centaine de députés de la majorité dont un amendement en ce sens avait sèchement été retoqué fin octobre lors de l’examen du budget 2011.

Mais la gauche ne l’entend pas de cette oreille. Le PS fait front pour refuser la suppression de l’ISF, lointain héritier de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) créé par le gouvernement Mauroy en 1982.

François Hollande l’a encore réaffirmé mercredi, assurant que “la seule catégorie de Français qui a appris quelque chose” mardi soir était celle des quelque 560.000 contribuables assujettis à l’ISF.

Pour le centriste Jean Arthuis, président de la Commission des finances du Sénat, le bouclier est une “offense à la justice fiscale parce qu’il s’applique, non pas au revenu réel mais au revenu après déduction des niches fiscales, réductions, abattements, défiscalisation…”

“Comme le bouclier fiscal n’était qu’une mauvaise réponse au mauvais impôt qu’est l’ISF que seule la France pratique, il faut abroger les deux”, dit-il.

Le solde, relève-t-il cependant, représente un manque à gagner pour l’Etat qu’il faudra bien combler. En 2009, le fisc a déboursé 679 millions d’euros au titre du bouclier fiscal et engrangé 3,2 milliards au titre de l’ISF.

M. Arthuis préconise une “révision du barême d’imposition des plus-values” et de “se résoudre à imposer à 45% une nouvelle tranche, au-delà de 100 ou 150.000 euros de revenus annuels”. Nicolas Sarkozy n’y serait pas favorable.

Quoi qu’il en soit, la discussion s’annonce âpre et les économistes sont eux aussi loin d’être unanimes.

Chercheur à l’Ecole d’économie de Paris, Gabriel Zucman conteste l’esprit même de la réforme, une “mauvaise idée” qui “profitera aux plus fortunés” si la législation fiscale reste en l’état, selon lui.

“L’ISF encourageait les propriétaires de patrimoine à ne pas rester assis sur leur fortune” alors qu’il “y a toutes sortes de manières d’accumuler une fortune sans toucher de revenus” imposables comme les assurance-vie ou les fonds d’investissement à recapitalisation immédiate, explique-t-il.

A l’inverse, Jacques Le Cacheux, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) voit dans les projets présidentiels “une décision de bon sens”. L’ISF est “inefficace” et “le bouclier fiscal à la fois très impopulaire et sans doute aussi injuste puisqu’il fait profiter quelques contribuables d’une protection très forte”, estime-t-il.

A quoi ressemblera le nouvel impôt? La boîte a idées est grande ouverte et le débat ultra-politique: taxation des dividendes, des primes d’assurance-vie, des plus-values sur les cessions immobilières, d’actions ou d’obligations, des loyers, du Livret A…