Egypte : le salaire minimum à 69 dollars fait grincer des dents

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épenses courantes pour une famille, lors d’un rassemblement pour la hausse du salaire minimum au Caire, le 2 mai 2010 (Photo : Khaled Desouki)

[19/11/2010 14:17:42] LE CAIRE (AFP) L’Egypte a décidé de relever le salaire minimum légal, inchangé depuis un quart de siècle, mais au lieu d’être saluée comme une avancée, la mesure crée la polémique: les 400 livres égyptiennes (69 dollars) mensuelles annoncées correspondent au seuil de pauvreté.

Après une longue bataille, le conseil national des salaires a été sommé par la cour administrative de revoir ce minimum, fixé en 1984 à 35 livres égyptiennes (aujourd’hui six dollars), un montant devenu dérisoire et irréaliste avec l’inflation.

Mais le nouveau minimum légal reste toujours loin du compte pour les plus modestes.

“C’est impossible de vivre avec ça. Rien qu’avec les frais de scolarité des enfants, on dépasse ces 400 livres, et les dépenses ménagères atteignent déjà 1.500 livres”, déplore Chaïma Mohammad, une mère de famille d’un quartier populaire du Caire.

Avec une inflation annuelle qui frise officiellement les 12%, les revenus des ménages sont mis à rude épreuve.

De fortes hausses survenues ces derniers mois sur des produits comme la viande ou les tomates ont aggravé ce mécontentement, et contribué à provoquer des manifestations sporadiques.

“Comment peut-on avoir un salaire minimum équivalent au prix de seulement six kilos de viande? C’est n’importe quoi!”, s’indigne un économiste égyptien, Ahmad el-Nagar.

D’autres font observer que ces 69 dollars par mois correspondent à peu près aux deux dollars par jour du seuil de la pauvreté, qui touche près de 40% de la population en Egypte.

“Le fait que le conseil suprême des salaires n’ait pas tenu compte du seuil de pauvreté nous amène à nous demander sur quels critères ce salaire minimum a été déterminé”, déclare Khaled Ali, du Centre égyptien des droits économiques et sociaux.

Pour Abdel Rahman Khair, représentant des employés au conseil national des salaires, le minimum devrait être de 500 livres (86 USD) pour les personnes non-qualifiées, 750 (130 USD) pour les semi-qualifiées et 1.000 (173 USD) pour les travailleurs qualifiés.

Le gouvernement de son côté défend la mesure, en faisant valoir que l’Egypte, malgré un taux de croissance annuel proche de 6% et une amorce de décollage économique, ne peut pas faire plus pour les bas salaires.

Le Premier ministre Ahmed Nazif a assuré qu’une hausse plus importante du salaire minimum “amènerait davantage d’inflation”, l’un des principaux points noirs de l’économie égyptienne.

L’Egypte joue aussi sur les très bas salaires de sa main d’oeuvre, associés à une politique fiscale attractive, pour séduire les investissements étrangers. Au point que même des industriels chinois choisissent aujourd’hui de délocaliser leurs usines sur les bords du Nil ou du canal de Suez.

A l’approche des élections législatives, prévues le 28 novembre, le président Hosni Moubarak lui-même a reconnu que les fruits de la croissance ne bénéficiaient pas encore à tous, et promis de tout faire pour y remédier au cours de la prochaine législature.

“Il y a des gens pauvres qui souffrent des difficultés de la vie, et des gens aux ressources limitées qui souffrent de la hausse des prix”, a-t-il déclaré la semaine dernière, soulignant que le programme de son parti était “d’agir en leur faveur”.

En attendant, des organisations syndicales et des associations de défense des droits sociaux ont annoncé qu’elles allaient déposer des recours en justice pour obtenir un meilleur salaire minimum.