A l’origine lieu de résidence des étudiants de la Grand mosquée Ezzitouna», de prière, de méditations, de cercles de discussions et de rencontres de la jeunesse nationaliste maghrébine (feu Houari Boumediene, le président algérien, est passé par-là), le Centre de Formation et d’Apprentissage aux Métiers de l’Artisanat «El Bachia», spécialisé dans l’habit traditionnel pour hommes (Jebba), la bijouterie moderne et berbère (notamment celle du sud) et la maroquinerie, trône dans un vaste labyrinthe de ruelles tortueuses, de passages voûtés, de portes cloutées, encadrées de pierres sculptées et de souks plein de vie, garde une fière allure, legs d’une histoire prestigieuse, qui retrace l’influence en Méditerranée des émirs aghlabides, almohades, hafsides, turcs… et accueille, chaque année, depuis plus d’une décennie, des apprenants du voisinage et de toutes les agglomérations du Grand Tunis, heureux de se mouvoir dans la médina et de coller, plus tard, à ses besoins spécifiques sur le plan mental, sociologique et économique.
«Nous avons choisi de rénover, de préserver et d’intégrer ce haut lieu du patrimoine national dans le dispositif de l’Agence Tunisienne de la Formation Professionnelle dédié à la réhabilitation du travail manuel, plus ou moins déprécié dans l’imaginaire collectif des Tunisiens, à la valorisation des activités artisanales, force d’appoint pour le tourisme culturel et au renforcement des économies locales, ancestrales, facteurs essentiels de continuité, de stabilité et d’équilibre de pans entiers d’une population, attachée à un mode de développement intégral, associé à des valeurs identitaires et à un cadre de vie offrant une atmosphère intime et proche des traditions du pays», nous dit Abdelhak Dahak, directeur des Centres de la Jeune fille rurale et des Centres de l’Artisanat au sein de l’ATFP, pour qui le site d’“EL Bachia“, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, est une source d’enrichissement économique et culturel dans son environnement immédiat, un potentiel d’employabilité pour des groupes sociaux en quête de reconnaissance sociale et un pari sur des métiers à fort contenu culturel.
Une offre de formation diversifiée
Avec des ateliers, qui portent témoignage du goût architectural tunisien, chargés d’histoires, mais résolument dynamiques, où passé et présent sont intimement liés, le Centre de Formation et d’apprentissage aux Métiers de l’Artisanat El Bachia offre, dans la sérénité silencieuse des anciennes demeures, à des jeunes dont les niveaux de scolarité se situent entre la sixième et la neuvième année de l’école de base (et même au-delà), une formation diversifiée, liée aux besoins des rapports marchands de la médina, accompagnée de stages de perfectionnement chez les artisans des différents souks, partenaires et compagnons de route du centre depuis sa réhabilitation, indique Mouldi Chérif, formateur en bijouterie et mémoire du tissu urbain tunisois, pour qui l’intérêt consacré de l’Agence tunisienne de la formation professionnelle pour les métiers manuels, identitaires et à fort contenu culturel, est susceptible de déterminer le potentiel touristique de la médina, de renforcer la combinaison entre tourisme récréatif et écotourisme, de fixer les résidents et de déclencher, dit-il, une dynamique visant la valorisation d’une expertise ancestrale, qui peut venir soutenir le développement de demain.
Le cursus d’apprentissage relatif à la maroquinerie, une filière de plus en plus prisée chez les artisans du souk «Sarajine», est de durée de deux ans, consacré par un Certificat de Compétences (CC) dont le titulaire a bénéficié de l’encadrement simultané de trois formateurs, de 2.560 heures pratiques avec un complément de 300 heures théoriques, dédiées à des cours d’arabe, d’anglais, de français, d’informatique, de dessin, de gestion, dispensées au fur et à mesure de l’engouement des apprenants pour leurs ateliers de travaux pratiques.
La confection de l’habit traditionnel Jebba, un acte de patience, de discipline et de persévérance et l’initiation aux techniques des fils d’argent entrelacés, à la création des bijoux anciens sont au cœur de la reconversion du site d’El Bachia, qui fonctionne et agit dans son voisinage comme un poisson dans l’eau, affirme l’un des responsables de l’ATFP, qui n’hésite pas à rendre hommage aux ressources humaines de cette institution (dix formateurs et cinq cadres administratifs) et à prédire pour ce centre de formation, véritable fleuron architectural de style arabo-andalou, dont la capacité de remplissage ne peut excéder la centaine d’apprenants par an, un statut avant-gardiste pour la revitalisation des pans entiers de rapports économiques, liés à la mémoire nationale.