«L’habilitation économique et le leadership féminin, rôle des acteurs locaux et des médias», c’est le thème du séminaire organisé par le Centre de la femme arabe de documentation et de recherche (Cawtar) vendredi 18 novembre 2010 à Tunis en partenariat avec Oxfam-Québec, organisation canadienne de coopération et de solidarité internationales. Le rôle acteurs locaux et des médias est venu compléter une série d’actions dans le processus initié dès le lancement du projet focalisant plus particulièrement sur le réseautage et le renforcement des capacités des partenaires du projet REEWP (The Regional Economic Empowerment of Women Project) ainsi que la création de synergies avec les autres projets du Cawtar.
Le projet, qui concerne 4 pays arabes comprenant la Tunisie, la Palestine, la Jordanie et le Liban, vise à identifier le rôle que peuvent jouer les femmes chefs d’entreprise dans l’accompagnement et le soutien aux femmes (micro-entrepreneurs ou autres) au niveau local, à enrichir le processus de réflexion portant sur les indicateurs d’habilitation économique des femmes et sur les bases de données, à identifier des pistes de recherche –y compris pour les indicateurs identifiées et à élaborer une «baseline» des quatre pays impliqués.
Le concept du genre n’est pas aussi bien assimilé que nous voulions bien le croire dans nos pays, principalement lorsqu’il s’agit de la place des femmes dans l’économie. Une autre difficulté est celle des relations entre les autorités locales et les opérateurs économiques, qu’ils soient hommes ou femmes qui ne sont pas des plus avancés ainsi qu’avec la société civile.
Tous les acteurs de la société, qu’ils soient publics ou privés, doivent œuvrer à créer un environnement propice à l’entrepreneuriat en général et féminin en particulier dans un contexte où le chômage est de plus en plus élevé. Les femmes, qui représentent pour le cas de la Tunisie, un grand nombre des diplômés du supérieurn ne sont pas les mieux nanties et restent en bute à nombre d’entraves.
D’après le Bureau international du travail (BIT) et selon une étude réalisée par Sami Zouari de l’université de Sfax, près de 100 millions de nouveaux demandeurs d’emploi sont attendus sur le marché du travail arabe dans les 20 prochaines années. Il est à prévoir 50 millions de chômeurs tout au long des 10 prochaines années si des efforts ne sont pas déployés pour créer davantage de postes d’emploi pour les jeunes et particulièrement les femmes.
Les décideurs politiques, les autorités locales et les acteurs de la société civile ont une responsabilité dans la promotion de l’emploi et le développement des opportunités dédiées aux groupes vulnérables dont les femmes afin d’éviter «leur afflux vers les emplois précaires, informels et non protégés».
L’entrepreneuriat est une culture
D’autre part, le milieu culturel dans lequel on évolue est très important dans le développement de l’esprit d’entreprise. Car, comment peut-on demander à des populations passives, auxquelles on a enlevé tout esprit d’initiative et qu’on a habituées à subir et à être passives, à prendre le risque d’entreprendre?
L’entrepreneuriat a besoin d’outils et de moyens mais avant tout d’un système de valeurs qui intègre différentes dimensions sociales.
L’initiative locale se construit dans un milieu support, a expliqué Pierre Noel Denieuil, intervenant appelé à se prononcer à propos de l’importance des initiatives de développement au niveau local. «Pour développer l’initiative entrepreneuriale, il faut créer un environnement régulateur, lieu d’un échange social entre les différents partenaires».
L’environnement social est déterminant dans le renforcement des ressources humaines et également l’évolution du processus réglementaire et légal.
Pour développer l’esprit entrepreneurial, il faudrait que La famille encourage et supporte, que les entreprises soient performantes et participent à la consolidation du tissu productif, que les acteurs institutionnels accompagnent et s’adaptent à l’évolution des tendances de par le monde, que les municipalités facilitent la tâche des porteurs et «porteuses » de projets et qu’enfin, les associations encadrent, informent et sensibilisent.
Mais il n’y a pas que cela, le rôle des universitaires reste central, car par la formation, ils valorisent la connaissance, aiguisent la curiosité et suscitent les vocations. «La notion d’acteur dans le développement met moins en avant l’outil que l’acteur. L’outil ne fonctionne que si l’acteur est là», précise Pierre Noel Denieuil. Les exemples? Il suffit de voir toute la panoplie de réglementations et d’encouragements mise en place par l’Etat tunisien pour promouvoir la création d’entreprises, les Sicars et autres fonds de financement croulent sous le poids des liquidités. Mais pour financer quoi? Pour ce, il faut qu’il y ait des projets porteurs et des investisseurs. Il faut que l’ensemble des acteurs publics, privés ainsi que la société civile travaillent ensemble et regardent dans la même direction. Est-ce le cas en Tunisie? La question mérite d’être posée.
La responsabilité des acteurs locaux est grande dans l’encouragement et la création des projets. Un acteur local, le décideur au niveau d’une localité doit être «un preneur de risque qui a la capacité de transformer l’ordre des choses pour concrétiser un projet collectif».
Pouvons-nous nous targuer d’avoir ce genre de personnage dans notre pays? Il est regrettable de voir assez fréquemment même les réglementations différemment appliquées entre autorités centrales et locales… Alors que le développement local est un processus de recomposition des ressources et que l’entrepreneur (e) doit être soutenu par un environnement mobilisateur.
Pour réussir les différents défis que peut poser l’avenir pour l’initiative entrepreneuriale…, il est indispensable de construire des ponts entre les élus municipaux, les acteurs locaux (organisations gouvernementales ou non gouvernementales) et alléger le poids de la bureaucratie. Il faut que les conseillers municipaux œuvrent non pas en tant qu’autorité de contrôle mais plutôt en tant qu’outil de soutien et d’information.
Et plus important encore, il faudrait que dans un pays comme la Tunisie, nous changions complètement d’idée sur l’entreprise en la créant non pas «pour une certaine durée mais plutôt pour la pérennité».
Rappelons pour terminer que le séminaire organisé par Cawtar se situe dans le cadre du «Projet régional d’habilitation économique des femmes (REEWP)» financé par le gouvernement du Canada à travers l’Agence canadienne de développement international (ACDI).