Appliqué en principe «aux micro-entreprises» et exonéré de la TVA, le régime fiscal forfaitaire, impôt fixé sur la base du chiffre d’affaires annuel et pointé du doigt, depuis longtemps comme une passerelle pour frauder le fisc, est, désormais, dans le collimateur des réformateurs et s’apprête à faire l’objet d’une révision.
Ce qui est certain, c’est qu’il fera l’objet, en 2011, d’une évaluation exhaustive. L’objectif déclaré est de n’en faire bénéficier, dorénavant, que ceux qui le méritent. Il s’agit essentiellement des petits métiers. La traque des faux forfaitaires va peut-être commencer. Â
Et ce n’est que justice. L’exigence de la transparence et de l’équité fiscale est, de plus en plus, revendiquée avec force par les contribuables honnêtes.
Est-ce nécessaire de rappeler que l’impôt forfaitaire profite en priorité aux activités «parasites», voire improductives, à l’instar du commerce parallèle, par principe foncièrement en fraude.
Et même lorsqu’elle a lieu, la contribution de cette catégorie de contribuables aux recettes fiscales de l’Etat, est, du reste, très modeste. Elle est surtout loin de rassurer l’entreprise transparente et de satisfaire aux besoins financiers de l’Etat.
Par principe, les activités du secteur informel sont, soit des entités qui échappent totalement à l’emprise du fisc, soit des forfaitaires.
Ce resquillage fiscal crée de la frustration chez le contribuable «honnête» ou chez celui qui ne peut même pas frauder (le salarié).
Pis, le nombre des forfaitaires ne cesse d’augmenter. Il est estimé, actuellement, à  plus de 350 mille contre 90 mille pour le régime réel tandis que le produit de l’impôt forfaitaire est tellement faible qu’il ne parvient pas à couvrir les frais de sa perception.
D’ailleurs, le contrôle et le recouvrement de l’impôt forfaitaire ne sont possibles que dans les secteurs commercial et industriel. Deux secteurs où les conditions et paramètres du contrôle objectif sont réunis (stock, nature de l’activité, superficie du magasin, nombre d’employés…).
Dès lors, ce sont les salariés dont le revenu est soumis à  la retenue à  la source, ainsi que les entreprises soumises au régime réel qui supportent l’essentiel de la charge fiscale au titre des impôts directs.
Résultat: l’ampleur du secteur informel et le nombre des forfaitaires constituent, avec leur faible contribution au titre des prélèvements obligatoires, une source de concurrence déloyale et un autre facteur qui pénalise les entreprises fiscalement «honnêtes».
Interpellés sur cette problématique de l’impôt forfaitaire, «Messieurs fisc» estiment qu’il s’agit plus d’un problème d’application de loi plutôt que d’un problème de réglementation.
Ils sont unanimes pour appeler à lutter contre les faux forfaitaires et à aplanir les difficultés que rencontre l’administration fiscale pour contrôler les forfaitaires.
Concrètement, ils recommandent la mise en place d’un nouveau cadre réglementaire devant aider les agents du fisc à vérifier avec plus de rigueur la véracité des déclarations des forfaitaires.
Pour Néji Baccouche, professeur à la Faculté de Droit de Sfax, qui a eu à se prononcer à plusieurs reprises sur cette question en public, estime que «le forfait est une prime à la fraude» et que la solution pour y mettre fin réside dans l’exploration de trois pistes qui ont fait leurs preuves ailleurs. Il s’agit de la généralisation de la tenue d’une comptabilité, la création de logiciels dédiés à l’identification des contribuables à risque et le renforcement du corps des contrôleurs par l’embauche.
Si rien n’est fait, pour M. Baccouche, le maintien de la fraude fiscale ne fera qu’exacerber l’endettent public, la concurrence déloyale et l’iniquité sociale.