Crise irlandaise : salué à Bruxelles, le plan de rigueur largement décrié sur l’île

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ège du gouvernement irlandais à Dublin le 23 novembre 2010 (Photo : Peter Muhly)

[25/11/2010 11:05:24] DUBLIN (AFP) Salué à Bruxelles, le plan de rigueur irlandais est largement décrié sur l’île: les syndicats dénoncent une injustice, les économistes craignent pour la reprise et les électeurs pourraient traduire dans les urnes leur colère, lors d’une législative partielle tenue jeudi.

“C’est une mise à mort”, dans les rues du centre de Dublin, les Irlandais étaient sous le choc, jeudi matin, après un plan de rigueur plus sévère que prévu, annoncé la veille par leur gouvernement. “Je prends des médicaments. Va falloir que je choisisse entre acheter mes médicaments ou de quoi manger”, lance cet homme dans la quarantaine dont le salaire minimum sera amputé de 12%.

Dublin a annoncé mercredi un plan de rigueur quadriennal de 15 milliards d’euros. Les allociations chômage et familiales seront réduites, tout comme les retraites des fonctionnaires et le salaire minimum, et près de 25.000 emplois publics seront supprimés.

Le plan constitue “une base solide pour les négociations sur les réformes budgétaires et structurelles (qui feront partie) du programme sous-tendant l’aide financière internationale que l’Irlande a demandé à l’UE et au FMI”, a déclaré mercredi soir depuis Bruxelles le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn.

Mais, sur l’île, le ton est tout autre.

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à Dublin

“Des coupes pour tous sauf les politiciens”, titre en Une l’Irish Examiner. “Tout le monde sera frappé mais (le Premier ministre Brian) Cowen va continuer à empocher autant que (le président américain) Barack Obama”, renchérit l’Irish Sun. La presse reconnaît majoritairement cependant, à l’instar du gouvernement, qu’il n’y a “pas d’alternative”.

Ce n’est pas l’avis des syndicats. “Ce plan est une feuille de route vers l’âge de pierre et une déclaration de guerre contre les bas salaires”, a averti Jack O’Connor, président du Siptu, premier syndicat de l’île.

“Les premiers ciblés sont les plus vulnérables”, juge David Begg, secrétaire général de l’Irish Congress of Trade Unions (ICTU), première confédération syndicale.

Les syndicats appellent à la “résistance” lors d’une manifestation organisée samedi par l’ICTU, qui mise sur la mobilisation de “plusieurs dizaines de milliers” de personnes.

La colère populaire, déjà à son comble après “l’humiliation” ressentie face à l’appel à l’aide extérieure, a toutes les chances de se traduire dans les urnes lors d’une législative partielle tenue jeudi dans le comté de Donegal (nord-ouest), à en croire les sondages. Le parti au pouvoir, le Fianna Fail, est donné perdant, ce qui réduirait à deux députés l’infime majorité gouvernementale, avant la présentation au parlement, le 7 décembre, du budget de rigueur pour 2011.

Le Premier ministre appelle à un sursaut national pour voter l’austérité, rappelant qu’elle était exigée par Bruxelles, mais l’opposition est réticente. Le Fine Gael, principal parti d’opposition, a averti qu’il demanderait à l’UE de renégocier le plan irlandais.

L’ampleur des coupes fait de plus craindre pour la fragile reprise de l’économie celtique. “Les mesures fiscales vont avoir un impact significatif sur la demande et la consommation va continuer à stagner”, déclare à l’AFP Constantin Gurdgiev, professeur au Trinity College de Dublin.

Le plan ne fait de plus “aucune provision en vue d’éventuelles nouvelles injections de capital dans le système bancaire qui pourraient être nécessaires”, s’étonne dans une note la maison de courtage irlandaise Davy Research.

Les banques irlandaises, criblées de dettes, ont déjà été renflouées à hauteur d’une cinquantaine de milliards d’euros mais l’ampleur du passif n’est pas encore connue et pourrait atteindre plusieurs centaines de milliards.