La Bolivie de Morales abaisse l’âge de la retraite à 58 ans

photo_1290756752752-1-1.jpg
ésident bolivien Evo Morales lors d’une conférence de presse à La Paz le 16 novemvre 2010 (Photo : Aizar Raldes)

[26/11/2010 07:43:24] LA PAZ (AFP) A contre-courant de la plupart des pays, la Bolivie du socialiste Evo Morales s’apprête à abaisser l’âge de la retraite de sept ans, à 58 ans, une réforme radicale et controversée à l’impact économique incertain, au delà-des dividendes politiques.

“Nous espérons que ce sera un cadeau de Noël”, a lancé Morales en pressant le Parlement d’adopter la loi avant fin décembre. Ce qui devrait être fait, étant donné la mainmise totale du parti de Morales, le MAS, sur les deux Chambres.

Socialement ambitieux, ou économiquement suicidaire selon les avis, la réforme prévoit la nationalisation des retraites, la fermeture de caisses privées (l’Espagnol BBVA et le Suisse Zurich) qui géraient la retraite de 1,3 million de Boliviens, et l’abaissement de la retraite de 65 à 58 ans.

Pour des travailleurs exposés, comme les mineurs, elle pourrait intervenir dès 51 ans, à 55 ans dans le cas d’une mère de trois enfants.

Le système, fondé sur la solidarité, verra l’apport patronal augmenter de 3%, celui des employés de 0,5%, avec une contribution spéciale, “l’apport solidaire”, des Boliviens gagnant plus de 13.000 bolivianos (1.320 euros). Soit 19 fois le salaire minimum, d’environ 70 euros.

photo_1290757151708-1-1.jpg
à Potosi, en Bolivie (Photo : Aizar Raldes)

La réforme intervient après deux ans de négociations entre les syndicats et Morales, lui-même ancien leader syndical.

Au pouvoir depuis 2006, il suit un axe résolu de capitalisme d’Etat, redistributeur, en direction des couches longtemps défavorisées (paysans, indiens, pauvres), d’où il est lui-même issu, en s’appuyant sur les revenus des hydrocarbures (gaz) et des réserves de change record.

“C’est la nouvelle politique pour redistribuer aux travailleurs, en vue d’une baisse de la pauvreté et d’une plus grande égalité”, a plaidé Morales en présentant la réforme.

Elle effraie les milieux d’affaires et sa viabilité fait douter plus d’un analyste, qui rappelle qu’elle est à contre-courant du recul global de l’âge de la retraite, suivant l’augmentation de l’espérance de vie.

“La tendance est planétaire. Le Japon, Singapour, l’Australie, le Colombie, pas moins de 47 pays ont instauré des plans, ou sont en train de le faire, pour repousser l’âge de la retraite”, souligne l’économiste Guillermo Aponte, de l’insitut privé Fondacion Milenio.

Les défenseurs du projet soulignent cependant qu’une retraite à 65 ans ne signifie par la même chose en Bolivie, où l’espérance de vie est de 66 ans, qu’en France (81) par exemple.

Ses détracteurs répondent que la population âgée augmente et représentera un poids bientôt trop coûteux pour les cotisants. Selon les chiffres officiels, “la croissance des 60 ans et plus sera de 3,3% en 2020, contre 1,7% pour la population totale”, souligne Aponte.

Dès la première année, 100.000 nouveaux bénéficiaires devraient intégrer le système de retraite. Il s’étendra à des indépendants et “pourrait couvrir potentiellement 3 millions de personnes (pour 10 millions de Boliviens)”, note l’économiste Alfredo Bonadona, pour qui “financièrement ce n’est pas viable”.

L’Etat, lui, soutient que le système est garanti sur “au moins 35 ans”.

D’ici là, ce qui semble garanti, ce sont les dividendes électoraux, auprès d’une population pauvre à 60%, pour un président triomphalement réélu en décembre, et qui lorgne déjà sur un troisième mandat en 2014.

A terme il est moins sûr que les classes moyennes, que Morales a su gagner peu à peu, se satisfassent d’une solidarité qui dure. “Et il y a une crainte d’inefficacité et de corruption dans la gestion du nouveau système”, souligne le politologue Carlos Cordero, de l’Universite San Andrés.