Les sociétés de sécurité privée prennent de l’ampleur

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à Paris, le 30 mars 2010 (Photo : Joel Saget)

[27/11/2010 17:34:34] PARIS (AFP) A l’heure des réductions d’effectifs dans la police et la gendarmerie, les sociétés de sécurité privée sont en pleine expansion, faisant craindre à certains une privatisation rampante de la sécurité.

Vigiles, maîtres-chiens, agents chargés des fouilles dans les aéroports, stadistes, le secteur de la sécurité privée ne s’est jamais aussi bien porté, avec une croissance moyenne par an de près de trois pour cent.

Selon des chiffres syndicaux, entre 160.000 et 170.000 personnes travaillent actuellement dans le secteur de la sécurité privée alors que les effectifs cumulés police et gendarmerie plafonnent à près de 240.000. Selon des experts, d’ici dix ans, la parité pourrait être atteinte.

“C’est un phénomène qui nous inquiète énormément, assure à l’AFP le secrétaire général d’USGP-Force ouvrière Police, Nicolas Comte. On a vraiment l’impression qu’on va vers un partage territorial entre la police et les sociétés privés”.

Le projet de la Loi d’Orientation de Programmation pour la Performance de la Sécurité intérieure, qui doit passer le 14 décembre en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, tente de mieux encadrer cette activité. Le texte prévoit notamment la création d’un Conseil national des activités de la sécurité privée et une intensification des contrôles pour la délivrance d’une carte professionnelle.

“On fait ça pour permettre aux entreprises de prendre plus de marché. Leur but ce n’est pas l’intérêt général, c’est de faire de l’argent”, regrette Nicolas Comte.

Cette place de plus en plus grande accordée aux sociétés privées de sécurité est en tout cas un virage assumé. Le président Nicolas Sarkozy avait évoqué fin 2008 la “coproduction” en matière de sécurité. Un délégué interministériel à la sécurité privée, Jean-Louis Blanchou, a d’ailleurs été nommé en septembre pour coordonner l’action des services de l’Etat et celle des entreprises de sécurité.

Dans un communiqué samedi, le syndicat Alliance (second syndicat de gardiens de la paix) a dit être “très favorable” à cette coproduction. Selon lui, il faut “recentrer les policiers et les gendarmes sur leur coeur de métier”, à savoir “sécurité publique, ordre public, police judiciaire et renseignement”. Les autres missions doivent “être transférées à d’autres acteurs de la sécurité”.

En pleine période de restriction budgétaire, de baisse des effectifs, le recours au privé possède un atout non négligeable. “Cela coûte moins cher”, explique un responsable syndical.

Les missions régaliennes, comme le transfèrement des prisonniers, ou les fouilles, restent assumées par des fonctionnaires de police. “C’est trop tôt” pour les confier au privé, assure Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie Officiers. Selon lui, “il faut d’abord clarifier et réguler le secteur”.

“Il faut accepter le principe de réalité. Est-ce que, dans un centre commercial, il faut mettre des agents de sécurité ou des policiers ?”, s’interroge Patrice Ribeiro.

Les syndicats de police réclament la fin des “tâches indues”. “On ne peut pas réclamer le désengagement des policiers pour les tâches indues, comme le font certains, et regretter ensuite que des sociétés s’en occupent”, relève le criminologue Alain Bauer.

Claude Tarlet, président de l’USP, principal syndicat des entreprises de sécurité privées, voit dans le développement de son secteur la preuve de “l’incapacité de l’Etat à faire face à des dépenses publiques”, à quoi s’ajoute une demande exponentielle de sécurité de la population ces dernières années.

Les craintes sont “légitimes”, assure Claude Tarlet. Mais, selon lui, “les entreprises de sécurité privée n’interviennent absolument pas dans des tâches qui sont celles de l’Etat”.