Afrique-développement : Comment rattraper le retard industriel de l’Afrique?

L’Afrique demeure aujourd’hui le continent le moins développé au monde. Il ne
contribue à la richesse mondiale qu’à hauteur de 2,5% et dont les exportations
ne dépassent pas les 3,5% tout en ayant 15% de la population mondiale. Cette
situation, a indiqué Afif Chelbi, ministre de l’Industrie et de la Technologie à
l’occasion du séminaire organisé récemment par l’ONUDI à propos des «Industries
compétitives pour le développement en Afrique» au siège du Patronat, est en
partie causée par les insuffisances du secteur industriel du continent «encore à
l’état embryonnaire» et dont la participation au PIB du continent ne dépasse pas
les 5%.

En 2005, les pays du G8 se sont engagés à plus que doubler l’aide allouée à
l’Afrique qui a bénéficié en 2006 d’un chiffre record de 43,4 milliards de
dollars de financements représentant 41% de l’aide totale accordée par
l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Un plan d’action a été approuvé par la Conférence des ministres africains en
2008 dont la stratégie d’application comprend 21 programmes et 49 projets
touchant à divers aspects du développement industriel du continent. La tâche de
l’ONUDI, institution spécialisée des Nations unies chargée de promouvoir le
développement industriel durable, n’est donc pas des plus aisées. L’Afrique,
diversifiée aussi bien culturellement que socio-économiquement, n’est pas facile
à gérer. L’Afrique subsaharienne ne constitue pas un bloc homogène et la
croissance y est encore inégalement répartie. Le continent africain se heurte
encore à des obstacles structurels considérables, telles la faiblesse de la
gouvernance, la mauvaise qualité des infrastructures et la dégradation du
capital humain*.

Dans pareil contexte, il n’est donc pas étonnant que Monica Cargo, représentante
de l’ONUDI en Tunisie, ait applaudi la proposition de Hédi Djilani, président de
l’UTICA pour la célébration de la prochaine journée de l’industrialisation de
l’Afrique en présence de décideurs d’Afrique, du Maghreb et d’Europe et autres
bailleurs de Fonds pour que l’Afrique «ne soit pas perçue uniquement comme un
marché où l’on peut véhiculer les produits industriels du monde, y compris ceux
maghrébins, mais comme un partenaire avec qui on peut améliorer ces produits».
Car «il faut aller en Afrique avec une approche de co-développement pour réussir
à faire face à la concurrence internationale».

Le président de la centrale patronale a insisté sur l’importance du
développement des relations d’échanges et de partenariats entre les continents
européen et africain. «Je n’ai rien contre l’Asie ou la Chine, mais Africains et
Européens, nous devons nous unir pour résister à la concurrence ardue de
certains pays asiatiques et accompagner les mutations économiques à
l’international».

Des relations qui s’apparentent plus à des relations colonisateurs/colonisés

Plusieurs chantiers doivent être mis en œuvre pour faire sortir le continent
africain de son inertie, notamment à travers la création d’activités
productives, le renforcement des capacités commerciales, la promotion de
l’environnement et de l’énergie ainsi qu’une meilleure exploitation et
gouvernance des ressources naturelles.

«Ne soyons pas trop prétentieux, a déclaré M. Djilani, nous ne pourrons pas à
nous seuls, en tant que pays maghrébins, assurer à l’Afrique un saut qualitatif
et en faire un continent développé; nous n’en avons pas les moyens. Ce que nous
pourrons faire par contre, c’est de servir de locomotive pour tirer le continent
vert le haut».

D’ailleurs, Najib Zerouali Ouariti, l’ambassadeur du Maroc en Tunisie, l’a bien
expliqué dans intervention au séminaire. L’Afrique souffre de nombreux
handicaps. Des carences au niveau des systèmes économiques, un fossé entre les
entreprises internationales et le secteur informel, et d’énormes déficits en
matière d’infrastructures intercontinentales et de réseaux routiers».

Pire, les relations entre l’Occident et l’Afrique s’apparentent plus à des
relations entre colonisateurs et pays occupés ou maîtres et serviteurs qu’entre
pays souverains devant entretenir des rapports de partenariat équilibrés.

Le Maroc, pour sa part, a été très présent ces dernières années en Afrique et a
mené nombre de projets touchant au secteur bancaire, aux grands travaux publics,
dont la construction d’aéroports. Par le développement également de relations
économiques et commerciales grâce à la participation à des foires
internationales et des salons d’affaires et l’organisation de missions de
prospection ainsi que la réalisation d’études de certains marchés africains par
des bureaux de conseils marocains. Le Maroc a même signé, avec certains pays
africains, des conventions portant sur le principe de la non-double imposition
et l’encouragement et la protection des investissements.

Le Royaume a également appelé à la mise en place d’une Conférence des pays
africains riverains de l’Atlantique. Une initiative approuvée et finalisée
dernièrement; et il ne serait pas étonnant que, dans quelques temps, l’on
entende parler d’un secrétariat général de cette Conférence établi à Rabat.

L’Afrique est un continent réputé pour sa richesse en hydrocarbures et minerais,
ce qui en fait une zone convoitée à l’échelle planétaire. Les Asiatiques l’ont
compris depuis longtemps et s’y sont installés. Il s’agit aujourd’hui, pour
créer l’équilibre, de lancer une alliance euro-africaine avec le Maghreb au
cœur. “Pourquoi pas un certificat d’origine Maghreb pour les produits exportés à
partir des pays du Nord de l’Afrique vers leurs homologues de l’Afrique
subsaharienne”, a proposé M. Ouariti.

Les domaines de partenariat peuvent aller de la lutte contre la pollution
marine, à celle contre la désertification et l’érosion du sol ou encore et sur
un tout autre plan à la coopération sécuritaire à travers l’échange
d’informations, et sur le plan industriel par la formation des cadres et des
acteurs locaux ainsi que l’exportation des expertises des pays maghrébins et de
l’Afrique du Sud vers ceux qui en ont besoin.

L’Afrique ne doit pas être qu’un marché à destination des grands producteurs
internationaux, elle devrait pouvoir assurer elle-même une part de ses besoins.
La mise à niveau du tissu industriel et productif est impérative. «Il est
essentiel de lutter contre la politique de subvention de la part des
importateurs et des donneurs d’ordre».

Mais pour que l’Afrique fasse le saut décisif d’un continent improductif et
presque inexistant au niveau de la croissance économique internationale, à un
autre plus développé et productif, il faudrait que les pays africains et
maghrébins puissent se parler et communiquer entre eux. Ce ne sera pas facile,
mais a-t-on le choix?

Entre 2000 et 2008, le montant des aides allouées à l’Afrique se montait à 312
milliards de dollars

L’Afrique ne peut, à terme, tolérer d’être le continent qui bénéficie des aides
les plus importantes sans aucun apport au développement économique planétaire.
Auquel cas, il subira toute sorte de colonisations aussi innovantes et
innovatrices les unes que les autres.

Patrice Lumumba, Premier ministre défunt et héros national congolais, mort en
martyr en 1961, n’avait-il pas rétorqué à l’ambassadeur américain qui lui
offrait son aide: «Merci Monsieur l’ambassadeur, mais chez nous, il y a un
proverbe populaire qui dit ‘’Main qui donne, main qui dirige“».

Le dicton reste toujours d’usage.

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*Etude réalisée par le ministère marocain des Finances.