II – Lacunes en matière de diversification des instruments de couverture contre les risques
Toute entreprise est confrontée à trois types de risques financiers : (i) le risque de change, (ii) le risque de taux de crédit et (iii) le risque de fluctuation des prix des matières premières. A l’étude de la circulaire de la Banque centrale de Tunisie de 2001, on se retrouve face à une législation restrictive en matière de gestion de risque de change (1), peu diversifiée en matière de gestion de risque de taux de crédit (2) et absente en matière de gestion de risque de fluctuation des prix des matières premières (3).
1. Législation restrictive en matière de gestion de risque de change
La volatilité des taux de change peut pénaliser les résultats des entreprises de manière très diverse, en influant sur la valeur des actifs, des engagements et des flux de trésorerie, en particulier lorsqu’ils sont libellés dans une devise étrangère. Si une entreprise est engagée à vendre ou acheter des biens ou des services dans une devise étrangère et que le taux de change fluctue entre la date de l’accord et la date de paiement, son bénéfice global sur une affaire risque de chuter voire, s’il s’agit de transactions à faible marge bénéficiaire, d’être entièrement perdue. Le risque de change est lié à de nombreux facteurs tels que la durée de l’exposition et la volatilité des devises. En gérant le risque, les entreprises peuvent optimiser leurs bénéfices ou réduire les risques.
Chaque entreprise encourt le risque de fluctuations imprévisibles des taux de change. Néanmoins, les risques de change peuvent être limités par l’utilisation d’instruments de couverture adaptés.
La circulaire de la Banque centrale prévoit quelques instruments financiers pour gérer le risque de change. Le rapport annuel de la Banque centrale de Tunisie soulève ces chiffres. Pour les opérations à terme de change, le montant total est passé de 3.928 MDT en 2008 à 4.469 MDT en 2009, enregistrant une hausse de 541 MDT ou 14%. La part des opérations effectuées entre les I.A.T et les entreprises dans le volume global est passée, d’une année à l’autre, de 96% à 98%.
Le volume des opérations de swap de change est revenu de 1.565,4 MDT en 2008 à 821,5 MDT en 2009, en baisse de 743,9 MDT. Le volume cumulé de ces opérations depuis leur création, en juin 2001, s’est élevé à 9.962 MDT, soit une moyenne annuelle de 1.234 MDT. La part des opérations de swap de change réalisées avec les entreprises s’est située à 46%.
La faiblesse de ce marché peut résulter d’un manque de vulgarisation de ces produits auprès de la clientèle locale, de la faiblesse du marché interbancaire et des règles restrictives notamment en matière de durée où la maturité maximale est souvent de 12 mois pour les swaps et 3 ans pour les options de change. A signaler que seules les options dites européennes peuvent être utilisées, à savoir celles qui ne peuvent être exercées qu’à l’échéance en contradiction avec celles dites américaines qui peuvent être exercées à tout moment jusqu’à l’échéance.
2- Législation peu diversifiée en matière de gestion de risque de taux de crédit
Le principal outil offert par la Circulaire de la Banque centrale pour se couvrir contre le risque de taux de crédit est celui des «Accords de Garantie de Taux d’Intérêts» connu sous le nom de «Forward Rate Agreement» ou «FRA». L’acheteur et le vendeur d’un FRA conviennent d’une opération hypothétique sur le marché monétaire, située dans le futur. La durée du contrat, le montant et le taux d’intérêt sont déterminés à l’avance. A l’échéance, c’est-à -dire à la date prédéterminée de début de la période pendant laquelle l’opération sur le marché monétaire peut avoir lieu, le taux convenu est comparé avec le taux du marché et la différence est comptabilisée entre les partenaires. Le capital négocié ne change pas de mains; il s’agit uniquement de couvrir le paiement des intérêts.
En sa qualité d’instrument de couverture, le FRA présente une base de calcul sûre. Il offre en effet aux deux parties une protection contre une évolution défavorable des taux: contre une hausse pour le preneur de crédit (l’acheteur du FRA) et contre une baisse pour l’investisseur (le vendeur du FRA). Mais l’inconvénient principal de cet instrument en tant qu’opération sur les différences de taux, le FRA n’offre pas d’accord portant sur les liquidités. L’entreprise doit constituer elle-même le capital. Le marché tunisien utilise rarement les FRA comme instrument de couverture contre le risque de taux de crédit. Les établissements bancaires préfèrent utiliser les swaps de taux.
La circulaire de la Banque centrale a ignoré l’un des instruments importants pour la gestion de risque de taux de crédit, à savoir le «swap de taux» (Interest Rate Swap ou aussi IRS). Un swap de taux est un contrat de gré à gré qui permet d’échanger un taux fixe contre un taux variable. En fait, les 2 contreparties A et B simulent deux opérations: l’une où A prête à B le montant nominal du swap à un taux fixe, l’autre où B prête à A le montant nominal du swap à un taux variable, indexé sur un taux de marché. Cette technique est utilisée en Tunisie mais après accord préalable de la Banque centrale.
Une refonte de la législation devrait certainement prendre en considération cet instrument. Ce type d’opération permet de se couvrir contre les fluctuations des taux. Par exemple, une société anticipant une baisse des taux peut transformer un endettement à taux fixe en un endettement à taux variable: il lui suffit de trouver une contrepartie acceptant de lui payer le taux fixe en échange du taux variable. Comme par ailleurs la société paie le taux fixe à son créancier, tout se passe dès lors comme si elle avait emprunté à taux variable.
D’autres produits peuvent être utilisés, à savoir:
* Swap de taux à départ différé: sert à fixer un taux à moyen/long terme mais pour un financement prévu d’ici quelques mois ou années;
* Options sur taux (Cap, Floor, Collar) permettent de fixer un taux maximum pour un emprunt à moyen/long terme, voire de déterminer une bande de fluctuation avec un taux plafond et un taux plancher;
* Swaption: donne le choix, moyennant paiement d’une prime, d’entrer ou non dans un swap de taux à une date définie. Les conditions de ce swap sont fixées aujourd’hui.
3- Législation absente en matière de gestion de risque de fluctuation des prix des matières premières
On constate l’absence de toute référence au risque de fluctuation des prix des matières premières dans les circulaires de la Banque centrale. A titre de comparaison, le Maroc s’est doté d’une législation en ce sens à travers la Circulaire de l’Office des changes marocain n°1699 du 13 janvier 2004 relative à la couverture contre le risque de fluctuation des prix de certains produits de base complétée par la Circulaire de Bank Al-Maghrib n°8/DTGR/04 du 16 janvier 2004.
Ces deux circulaires, malgré quelques lacunes, peuvent servir de base pour la mise en place d’une législation tunisienne sur la couverture contre le risque de fluctuation des prix des matières premières.
Les instruments les plus communs sont des contrats à terme (les “futures” et “forwards”), les “swaps” et les options. Le ‘commodity swap’ est l’instrument idéal pour se protéger contre les fluctuations de prix via l’échange de flux de trésorerie. Il n’y a aucune livraison physique de matières premières.
Les entreprises qui utilisent les matières premières conviennent d’un prix fixe avec la banque pour une période donnée. Si le prix sur le marché est inférieur au prix convenu le jour du règlement, l’entreprise paie à la banque la différence entre le prix du marché et le prix convenu. Si le prix du marché est plus élevé, la banque versera la différence à l’entreprise.