La franchise n’est pas un concept nouveau en Tunisie mais l’institution d’un cadre juridique avait l’avantage d’attirer beaucoup l’attention sur ce mécanisme comme étant un outil de développement de l’économie. Selon Béchir Mihoubi, expert international en franchise et directeur général du cabinet de conseil américain «FranCounsel Group», le développement de la franchise dans un pays donné est un signe de modernisation et d’ouverture. La Tunisie, qui a longtemps parié sur l’ouverture de son économie au marché international, devrait renforcer encore plus cette vocation par l’attraction de franchiseurs étrangers. Une vocation qui lui permettra de s’imprégner de ce concept et de créer par la suite ses propres franchises.
Webmanagercenter: Quelles opportunités offrent la franchise pour les entreprises tunisiennes et pour l’économie tunisienne, en général?
Béchir Mihoubi: La franchise est un concept particulier où un produit est distribué et vendu aux consommateurs, selon des règles bien précises. Son principal point distinctif est qu’il s’agit d’un concept qui repose sur un transfert de savoir entre le franchiseur (le détenteur du concept) et le franchisé. Il faut que ce dernier soit formé et initié et bénéficie d’un soutien continu de la part du franchiseur. Ce transfert repose également sur la gestion du concept, le respect des normes, de la propriété intellectuelle. La franchise est un outil moderne de la distribution et de la vente puisqu’elle permet de commercialiser les services et les produits dans une société de plus en plus occupée.
Elle répond, ainsi, aux besoins des consommateurs par la commercialisation de produits fiables vendus par des franchisés fiables aussi. Ceci permet au franchisé de s’intégrer plus vite au marché en tant qu’entrepreneur. Les consommateurs optent souvent pour les produits et les services qu’ils ont essayés et auxquels ils font confiance. D’ailleurs, il faut savoir que c’est le consommateur qui crée cette demande de franchise.
La franchise offre d’énormes opportunités de développement. On peut presque tout franchiser, sauf pour certaines activités comme le conseil, par exemple. A ce jour, même l’assistance médicale à domicile, la garde des enfants, les activités de ménage sont des activités adaptables à la franchise. Pour réussir une franchise donnée, il faut faire une étude de marché, étudier les habitudes du consommateur, ses rituels, prospecter ses besoins.
En outre, la franchise est porteuse de développement. Elle a l’atout de créer des emplois, de moderniser l’économie, de créer des normes plus raffinées et plus adaptées aux exigences du consommateur. Dans tout système de franchise, il faudrait un système sophistiqué de gestion. Et la meilleure façon pour le faire est de recourir aux franchises étrangères. Ceci permettra aux Tunisiens de profiter de la formation nécessaire pour ensuite créer leur propre franchise.
Quelles sont les conditions nécessaires pour la réussite d’un projet de franchise?
Pour le franchiseur, il faut tout d’abord faire une étude du marché et des franchisés intéressés par le projet. Un bon franchiseur doit pouvoir transférer le savoir faire, cataloguer tout les processus de formation, être à l’écoute des franchisés, fournir un audit des opérations de franchise, et surtout avoir les moyens financiers pour le faire.
De son côté, le franchisé doit respecter les commandements du franchiseur et doit communiquer très souvent avec lui. Le franchiseur est semblable à un professeur. Il doit émettre ses instructions et ses leçons au franchisé, qui devient lui-même un élève et doit toujours recourir aux franchiseur dans toute démarché qu’il entreprend. C’est une relation de confiance qui se crée entre les deux et qui doit être maintenue.
Le déclin de plusieurs franchises est dû à la mauvaise gestion et aussi à la mauvaise sélection des opérateurs ne savant pas gérer le concept. Cette opération de sélection est très importante, que ce soit de la part du franchiseur ou du franchisé. Dans le choix des franchiseurs, il faut faire attention à ce que le concept soit bien assimilé, qu’il y ait une liste fiable de franchisés. Il est aussi recommandé de faire une enquête sur le franchiseur, pour garantir que l’encadrement se fera par des experts du domaine. Il faut aussi faire attention au financement qui doit être assez conséquent pour mener à bien l’opération de franchise. Les franchisés sont assez souvent émotionnels par rapport à certains concepts (ou marques) et oublient le côté technique qui est très important. Il ne suffit pas d’aimer le concept parce qu’il peut s’avérer non viable, à la fin.
Selon vous, la législation tunisienne favorise-t-elle actuellement le développement de la franchise?
Certes, des progrès ont été réalisés en Tunisie. Reste que la chose la plus difficile à comprendre pour moi, en tant qu’expert international, est le fait de limiter les secteurs éligibles à la franchise. De mon avis, ceci pourrait avoir un impact négatif à long terme. Par exemple, la plupart des emplois aux Etats-Unis d’Amérique sont créés dans le secteur alimentaire (restaurants, café, fast food). Je pense que ce sont l’intégration de ce genre de concepts, dans le secteur alimentaire, permetteront aux Tunisiens d’avoir la formation nécessaire et de créer leurs propres concepts par la suite. D’ailleurs, la Tunisie en tant que pays touristique devrait jouer cette carte pour attirer plus les touristes, ce qui les encouragerait à dépenser plus et favoriserait l’entrée des devises…
Mais ne pensez-vous pas que l’ouverture totale pourrait nuire au commerce local?
Je ne pense pas. Au contraire, ceci incitera les commerçants locaux à améliorer la qualité de leurs prestations et favorisera la concurrence sur le marché. Et puis cette limitation pourrait être interprété comme un signe de fermeture. Les pays qui mettent ces limites sont considérés comme non ouverts à la concurrence. En revanche, ceci est susceptible de décourager les autres franchiseurs de venir s’installer en Tunisie. D’ailleurs, l’enseigne américaine de fast food « Mac Donald » fait plus de bénéfices en France que dans n’importe quel autre pays dans le monde. Dans ce pays, l’ouverture aux franchises étrangères n’a pas, cependant, empêché le développement du commerce local. Il est, par contre, perçu comme un signe de modernité et d’ouverture.
Selon votre expérience du marché américain, quelles sont les exigences des entreprises américaines à installer leurs franchises en Tunisie?
Les entreprises américaines sont particulièrement exigeantes en termes de protection de la propriété intellectuelle, d’un système bancaire qui facilite le transfert des royalties sans trop de bureaucratie et aussi de franchisés qualifiés.
D’après votre participation à la 2ème édition de Tunis Med Franchise, pensez-vous que cette manifestation a l’avantage de promouvoir le concept de franchise en Tunisie?
Je pense que c’est une bonne initiative, surtout que cette 2ème édition a été marquée par la création de l’association de la franchise, avec l’objectif de permettre l’échange d’information et d’éduquer les commerçants tunisiens à ce concept. Par rapport à l’édition précédente, il y a un nombre plus élevé de franchiseurs étrangers qui sont venus exposer leur expertise. Ce qui montre qu’il y a un intérêt. Ces exposants sont intéressés à venir en Tunisie dans tous les secteurs, je dois insister. Tunis Med Franchise devrait offrir une plateforme d’échange entre les différents acteurs dans le domaine et encourager les enseignes étrangères à développer leurs franchises en Tunisie.