A partir de cet instant, nous nous sommes dits nous n’allons plus être suiveur, nous avons une ambition plus grande : nous voulons être leaders. Et à partir de ce jour, Topnet a toujours mené la dance. Nous avons alors lancé une grande campagne de communication, avec affichage dans toute la Tunisie, spots à la radio, et une demi-page dans La Presse de Tunisie –une première pour nous. Cette campagne qui sortait du lot –avec la photo d’une boîte de conserve et un slogan fort: 50% de remise- a eu un succès énorme parce qu’elle se démarquait des autres où Internet c’était toujours la famille heureuse devant son ordinateur. Les gens nous disaient alors «Ah c’est vous le fournisseur de la boîte de conserve».
Nous avons eu un succès foudroyant qui nous a propulsés rapidement de 25 à 30% de part de marché. Grâce à quoi nous sommes devenus n°2.
Comment s’est produit le bond successif ?
Nous avons continué à travailler. Nous avons investi dans le service-client, dans la construction d’un réseau de revendeurs fiables et fidèles, sur l’équipe. Progressivement, nous sommes passés de 30 à 35%, puis à 40, 45%. Et à chaque fois, il y avait une astuce qui ne changeait pas complètement la donne mais qui nous apportait un ou deux points de plus. Nous avons lancé un numéro vert pour segmenter le marché, proposé de nouveaux services, et, surtout, nous avons changé le mode de distribution. Pour faire du service un produit pour pouvoir le vendre à travers les distributeurs et la grande distribution, nous avons été les premiers à lancer le pack.
Nous avons également été astucieux en lançant la vente de nos packs par téléphone et via La poste. Nous arrivions à vendre par ce canal entre 1.000 et 1.500 packs par mois, soit que le total des ventes de certains FSI.
Au moment de mon départ, les packs représentaient 70% des ventes. Trois ou quatre mois plus tard, nos concurrents ont adopté la formule, mais les nôtres étaient toujours meilleurs. Les revendeurs, que nous avions fortement intéressés, étant satisfaits du pack Topnet, les concurrents n’arrivaient pas à les convaincre d’adopter le leur. Depuis, nous avons eu –c’est ce qui a fait notre force- un réseau de revendeur fidèles parce que contents, et un ensemble de clients fidèles parce que contents eux aussi. Et ces clients et revendeurs satisfaits nous ramenaient d’autres clients. Donc, c’était l’effet boule de neige et chaque trimestre on gagnait un point pour arriver aujourd’hui à 50% de part de marché. Je suis sûr que Topnet ira plus loin, parce que tous ses fondamentaux sont solides. Et encore plus maintenant, grâce à l’alliance avec Tunisie Télécom.
Quelle a été la part de la gestion des ressources humaines dans votre success story ?
L’élément humain est une ressource comme le système d’information, le réseau, etc., auquel il faut donner les moyens et, en plus, la motivation: rémunération, conditions de travail, et le plan de carrière. Topnet a commencé avec 20 employés et en compte aujourd’hui 500. Notre réussite nous a permis, à partir de 2006, d’investir dans des compétences supérieures à celles que nous avions. Les anciens étaient motivés du fait de l’évolution de leurs carrières. Les nouveaux voyant cela l’étaient eux aussi. D’ailleurs, nous avons beaucoup de cadres supérieures qui ont débuté comme hotliners.
A quel niveau se situe la rémunération des employés de Topnet ?
Elle se situe dans la moyenne de ceux accordés par les grandes entreprises, comme Tunisiana, les banques, etc. Mais il n’y a pas que le salaire. Deuxième élément: l’évolution, avec le plan de carrière. Cela veut dire que même si à l’entrée les personnes n’ont pas un salaire idéal, dans la moyenne, elles obtiennent une augmentation dès qu’elles ont fait leur preuve. Après, quand il voit une évolution importante de son salaire et de sa carrière, l’employé n’est pas tenté de changer d’employeur pour 5% d’augmentation, sauf cas exceptionnel –pour cause de départ à l’étranger, par exemple-, car avec les primes, il peut, à la fin de l’année, obtenir plus.
Et le troisième élément important, c’est le cadre du travail: une équipe jeune, une très bonne ambiance, du respect, de l’écoute, pas de stress, et de bons moyens de travail. En fait, nous n’avons rien inventé. Nous avons essayé au maximum de gérer le personnel avec des méthodes de gestion moderne.
Quel a été l’impact de l’émergence et de la réussite de Topnet sur son environnement ?
Topnet a permis l’émergence de nombreuses start-ups, dont l’agence de communication Tracy, qui a démarré avec nous et est devenue la plus grande agence tunisienne indépendante. Au début, Tracy avait un seul client, Topnet. Nous avons également fait de l’essaimage. Ne voulant pas gérer le contenu de notre site web, avec une équipe rédactionnelle en interne, j’ai encouragé quelqu’un à créer une société pour cela et nous étions son premier client. Aujourd’hui, cette société, Access-To-e-business, vend ses services à d’autres opérateurs et exporte la création ce contenu sur internet.
Topnet a donc créé un écosystème autour d’elle, avec des consultants, des SSII qui ont installé notre système d’information, des intégrateurs (One Tech, Cisco, Satec), pour le développement de notre réseau, des vendeurs d’équipements, des consultants (Ernst & Young, NTC), avec les agences de recrutement, etc., développé l’ADSL en Tunisie, créé 500 emplois, de la richesse pour les actionnaires, les clients qui sont satisfaits. En fait, nous n’avions pas l’idée de tout faire nous-mêmes. Nous nous sommes concentrés sur notre cœur de métier, et tout le reste –c’est-à-dire toutes les fonctions non-stratégiques- était outsourcé.
L’aboutissement de votre aventure a été la cession de l’entreprise à Tunisie Télécom. Comment et quand cela s’est-déclenché?
Le processus s’est enclenché juste après l’annonce de l’arrivée d’Orange. Orange étant devenu un opérateur universel, Tunisie Telecom devait, logiquement et légitimement, en faire de même et devenir opérateur universel, même indirectement. A ce stade, Tunisie Telecom avait l’autorisation, peut-être pas formelle, pour acquérir un opérateur Internet ou en créer un. Ils ont donc pris contact avec nous.
Au début, ma réponse a été: «oui, cela a du sens, mais il faut approfondir la question», parce qu’on était partenaire de Tunisie Telecom et que je n’avais pas forcément envie d’entrer dans un affrontement direct avec Tunisie Telecom et avec un opérateur qui arrive avec la flybox. Car, il n’aurait pas été bon ni pour Tunisie Telecom ni pour les finances de l’entreprise, ni pour le marché. Le bon sens disait que le marché devait se consolider et pas se segmenter davantage, et qu’on se mette d’accord. Mais la question était “est-ce qu’on allait pouvoir se mettre d’accord ou pas?“ Si on ne parvenait pas à un accord, cela aurait été dangereux et pour Tunisie Telecom et pour nous. Il a fallu une année pour conclure.