Dans ce roman, l’auteur a choisi de se pencher sur une période sensible de sa vie, en l’occurrence les années de son enfance et de sa jeunesse qui coïncident avec la colonisation française en Tunisie.
«Pages de ma vie» est l’histoire d’un Tunisien qui a été marqué par certaines réalités constituant des repères et qui sont au nombre de quatre: Zina “la lionne” sa maman, le Lac Sedjoumi, la Sorbonne, le Château de Versailles.
L’histoire a pour point de départ l’enfance de Jomâa, son évolution du kotteb “école d’apprentissage du Coran” au Château de Versailles en passant par la Sorbonne.
Le récit décrit les faits d’une manière progressive, ses pérégrinations dans la vie, sa lutte quotidienne pour la recherche du pain… L’auteur a justement voulu nous faire vivre cette endurance et a mis tout son talent d’écrivain pour décrire la force authentique de cette dure période de sa vie tout en axant son intérêt sur l’histoire de sa famille -comme il s’y plaît de le dire-, “une famille bédouine doublée de nomade, rebelle à toute fixation au sol et à toute sédentarité”. Sa famille vivait regroupée en tribu, la tribu des Souassi, ce qui, de par le pluriel de l’appellation, ajoute au mystère de son origine, dit-il.
Cette mobilité réelle ou virtuelle fait de lui un étrange nomade des temps modernes qui ne sait d’où il vient ni où il va mais qui, par cette mobilité première, vit un rite sacré, celui de se déplacer continuellement pour retrouver son paradis perdu.
Second repère: installée au nord-ouest du lac Sedjoumi, sa famille enterrait ses morts au cimetière de Den Den, près du Marabout et de la mosquée.
En 1952, à 7 ans, il fut accueilli au sein de l’école coranique du Bardo-Bel Air, c’était une école privée et payante, et à titre gratuit le directeur de l’école -auquel un hommage est rendu par l’auteur dans ce roman- a profondément marqué le jeune enfant qui confie ceci: “Si j’ai toujours aimé l’enseignement et surtout les élèves, c’est en partie grâce à lui et à ceux qui me prirent en charge par la suite dans mes besoins de scolarité“.
1952 fut le début de son apprentissage dans le monde des affaires, jeune marchand de fortune de tout ce qu’il trouvait sur son chemin: figues de barbarie, fruits de saison qu’il vendait à la ville côté Bab el Alouj, place de Kâadine et rues avoisinantes; l’argent qu’il gagnait était placé dans une tirelire. Petit à petit, il commençait à acheter des petits agneaux qu’il élevait avec les animaux de la famille et qu’il engraissait, son père se chargeait de les vendre et lui en achetait d’autres, et rebelote…
Les colons qu’il a cotoyés, les femmes qu’il a connues à cette époque, les événements historiques qu’il a vécus servent de cadre pour ce roman.
«Pages de ma vie» est une œuvre qui nous éclaire sur la période, une histoire vécue racontée par ce “jeune enfant” et qui mérite d’être lue et qui pourrait faire l’objet d’un scénario de film. Pourquoi pas?
Originaire de Kairouan, ancien enseignant de français au lycée du Bardo (mon ancien enseignant) mérite tous les éloges pour ce bel ouvrage.