La modernisation de la Place financière de Tunis et l’objectif de faire de Tunis
un hub de la finance régionale, qu’elle soit conventionnelle ou islamique,
passent par la réunion de plusieurs ingrédients préalables. La concurrence
venant du Maroc, Liban, Malte ou d’Egypte est bien réelle et se fait sentir
quotidiennement.
Nous essayons ici d’apporter notre pierre à l’édifice en exposant brièvement les
4 ingrédients nécessaires, selon nous, et à notre sens afin de faire de Tunis
une place financière régionale. Bien évidemment, il y a des dizaines d’autres
ingrédients.
Dans cette première partie, et dans un souci de faciliter la lecture, nous
évoquerons “Les nécessaires concentrations dans le secteur bancaire et financier
tunisien“, et “La refonte totale de la législation tunisienne en matière de
Banque et de la Finance“.
1- Les nécessaires concentrations dans le secteur bancaire et financier tunisien
Le paysage bancaire et financier tunisien est très éparpillé, empêchant toute
possibilité d’avoir un champion régional pouvant concurrencer les banques
marocaines qui ont pris une certaine longueur d’avance. L’exemple de la réussite
de la banque Attijariwafa peut être un excellent modèle à suivre. Une vague de
fusion entre les banques est bénéfique tant à la nouvelle entité qu’aux clients
et à la notoriété de la place financière de Tunis. La décision de lancer les
études préalables à la fusion de la
STB et de la
BH est de bon augure. Espérons
que certaines banques privés emboîteront le pas et commenceront à réfléchir
sérieusement à d’éventuels rapprochements entre elles.
Il est évident que, pour réussir une intégration profitable, il faut, selon les
responsables du fameux cabinet international «Deloitte», réunir 4 éléments
importants:
– Définir la vision et les bénéfices que peut apporter la fusion. Il est
indéniable qu’il faut bien identifier chaque source de bénéfice anticipé et
formuler des prévisions précises de l’intégration sur une période donnée. Les
synergies attendues doivent être cernées avec beaucoup d’attention.
– Elaborer un plan d’intégration précis, efficace et fixé dans le temps. Avant
le jour «J» de l’intégration définitive, il est important d’identifier, de
mesurer et d’évaluer l’importance des synergies. Grâce à cette longueur
d’avance, elles sont à même de faire face non seulement aux questions à court
terme -comme la poursuite de l’exploitation-, mais aussi aux enjeux à long
terme, notamment celui de la transformation de l’entité nouvellement créée.
– Dédier une équipe entière à l’intégration. Il est évident que sans une équipe
dédiée exclusivement à l’intégration, la fusion ne peut réussir. La nomination
d’un responsable du projet, les banques qui fusionnent peuvent mieux appréhender
les risques, les anticiper, les contrôler et assurer ainsi une parfaite
intégration réussie. L’intégration réussie de BNL ou de Fortis de la part de la
BNP Paribas représente le meilleur exemple.
– Privilégier les ressources humaines en ce sens qu’il faut éviter les
incertitudes, les ambiguïtés et les craintes chez le personnel de deux banques
qui fusionnent. La bonne communication, la reconnaissance et la bonne résolution
des problèmes ne peuvent qu’être bénéfiques à la bonne marche de l’intégration,
et ce en apportant les bonnes réponses aux différentes questions concernant les
rôles et les responsabilités des gens.
En prenant de l’avance et en structurant un plan d’intégration efficace, les
banques tunisiennes qui fusionnent peuvent maximiser la valeur et réaliser les
synergies escomptées.
2- La refonte totale de la législation tunisienne en matière de Banque et de la
Finance
La refonte totale de la législation tunisienne en matière d’opérations bancaires
et financières, de réglementation de change et de produits financiers allant
vers plus de libéralisation et d’ouverture est d’une nécessité vitale pour la
Place de Tunis.
Cette refonte doit se baser sur une vision globale de tout le système bancaire
et financier à travers la mise en place d’objectifs bien précis. Une mission
globale peut être donnée au Centre d’Etudes Juridiques et Judiciaires qui, avec
l’appui de hautes personnalités tunisiennes compétentes dans le monde bancaire
et financier en Tunisie et à l’étranger, peut mener à bien sa mission. Le
lancement d’une consultation de la place est une pratique bien courante à
travers les places financières internationales.
La refonte peut ainsi tirer les leçons de la récente crise financière afin
d’éviter les pièges du passé et adopter les expériences régionales et
internationales tout en les adoptant à la réalité économique et financière
tunisienne.
La promulgation d’un Code de prestation de services financiers aux non-résidents
est une étape importante malgré les lacunes que présente ce code et le retard
dans la mise en place des différentes circulaires et décisions de la
BCT (Banque
centrale de Tunisie) ou du
CMF (Conseil du Marché financier) un an et demi après
sa promulgation.
Il est à noter que les autorités de régulation marocaines n’hésitent pas à
contacter les cabinets d’avocats locaux pour qu’ils se mettent en relation avec
leurs clients et plus spécialement les opérateurs internationaux afin d’évaluer
la législation marocaine en matière de réglementation de change et voir les
obstacles qui freinent l’émergence de la place financière marocaine. Voilà une
bonne attitude à adopter par nos autorités de régulation (Banque Centrale et
Conseil du Marché Financier). Une systématique remise en cause et évolution du
cadre législatif et réglementaire ne peuvent qu’aider la Place de Tunis à mieux
émerger dans un monde financier toujours en mouvement.