«Nous vous octroyons la technologie, nous vous offrons l’expertise dans différents domaines économiques et scientifiques et surtout dans les TIC, vous nous fournissez en matières premières, ‘’en Asie, nous sommes les plus sincères’’, dixit Yoshihiro Shigehisa, PDG émérite du groupe JGC, samedi 11 décembre à l’occasion du deuxième forum arabo-japonais organisé à Tunis».
«Nous sommes des pays riches en matières premières, en ressources humaines, en énergies fossiles et renouvelables, nous garantissons votre approvisionnement, vous soutenez notre développement technologique et la formation de nos ressources humaines», réplique la partie arabe aux représentants de l’empire du Soleil Levant.
Le deal est clair. La sécurisation de l’approvisionnement en matière premières de la deuxième économie mondiale en échange de la technologie et du savoir et «dans le respect des particularités culturelles des deux partenaires», une précision qui revenait très souvent sur la bouche des interlocuteurs japonais.
Le monde arabe représente une source importante d’énergies fossiles (pétrole, gaz) et un pays tel le Japon en croissance continue a besoin d’être rassuré quant à ses principales sources d’approvisionnement. Le développement des échanges entre les Arabes et les Japonais ne pouvant être réalisé sans la libéralisation du commerce et de l’investissement, le ministre japonais de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie a pris soin de préciser: «ce que nous ambitionnons est d’arriver à signer des accords de libre-échanges avec nos partenaires arabes».
Le Japon est le troisième partenaire commercial des pays arabes, derrière l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique avec des exportations qui sont passées de 36 milliards de dollars en 2003 à 136 milliards de dollars en 2008. Les investissements nippons sont passés, pour leur part, de 1,5 milliard de dollars en 2005 à 2 milliards en 2008.
«Les télécommunications évoluent aujourd’hui de manière prodigieuses et nous vivons l’ère de la mondialisation de l’investissement, de l’industrie, de l’information sans parler de la liberté de circulation des biens et des personnes. Les économies mondiales sont interconnectées tout comme les risques des changements climatiques ont un impact sur tous les pays du monde, d’où l’impératif d’y faire face tous ensemble», a déclaré Mohamed Ghannouchi, Premier ministre à l’ouverture du Forum. Il a précisé à l’occasion que les pays arabes disposent aujourd’hui d’économies stables, de climats d’affaires sains et d’un pouvoir d’achat en hausse continue, ce qui leur permet de bien se positionner à l’international. Les changements climatiques sont toutefois à leur désavantage et nombre d’entre eux risquent de souffrir dans les prochaines années de stress hydrique. Ce qui implique la nécessité de la mise en place de stratégies unifiées pour préserver les ressources hydrauliques et le renforcement des partenariats avec des pays comme le Japon en matière d’expertise et de nouvelles technologies. Un partenariat structurel dans des domaines tels l’énergie, l’environnement, le développement des ressources humaines, l’éducation, les sciences et les technologies et jusqu’au commerce, investissement, tourisme et finances.
Des projets concrets
D’ores et déjà, 40 nouveaux projets sont en phase de concrétisation dans des activités se rapportant au gaz naturel, aux énergies renouvelables, aux infrastructures, à l’énergie nucléaire pour des fins pacifiques, à l’enseignement supérieur et aux nouvelles technologies.
Différents accords ont été signés depuis février 2010 entre le Japon et plusieurs pays arabes (Qatar, Egypte, Koweït, Djibouti, Arabie Saoudite, Irak, Jordanie, Mauritanie, Algérie, Maroc et Tunisie -dont le projet phare est celui de la technopole de Borj El Cedria pour les énergies renouvelables).
La Tunisie a également signé, en marge de ce deuxième forum, un mémorandum d’entente pour la réalisation d’une centrale thermo-solaire d’une puissance de 5 mégawatts raccordée à une centrale à cycle combiné d’une capacité de 40 mégawatts. La centrale sera financée par un don de 60 millions de dinars accordé par l’Organisation japonaise pour le développement des énergies nouvelles et des technologies industrielles (NEDO).
D’autres accords de coopération ont été, également, conclus entre le pays du Soleil levant et l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole dans le domaine de l’industrie du pétrole, d’autres touchant à la consolidation des relations dans les domaines du commerce et de l’investissement, l’Union générale des chambres de commerce, d’industrie et de l’agriculture pour les pays arabes (GUCCIAAC), la Fédération des hommes d’affaires arabes (FAB), l’Union des investisseurs arabes (AIU), le Comité d’investissement national irakien.
Dans un souci de sécuriser les pays arabes quant au problème palestinien qui paralyse entre autres l’avancement du projet UPM, Seiji Maehara, ministre japonais des Affaires étrangères, a insisté sur le refus du Japon de voir l’Etat israélien continuer sa politique d’occupation par la construction de nouvelles colonies et rappelé le droit du peuple palestinien à un Etat souverain dont la capitale est Al Qods en réaffirmant que seule la sécurité et la stabilité sont les garantes du développement des investissements nippons dans la région.
Les vis-à-vis japonais ont également insisté sur l’importance de la coopération dans le domaine universitaire se déclarant disposés à offrir des bourses à des étudiants en provenance des pays arabes et rappelant que ces derniers sont au nombre de 4.000 dans les universités japonaises.
Le monde change, le regard des Arabes se tourne de plus en plus vers les pays asiatiques en tant que partenaires commerciaux plausibles suivant l’adéquation gagnant/gagnant. Les alliances ne sont plus les mêmes et pour nombre de responsables japonais s’adressant aux arabes, «notre croissance s’est faite un peu grâce au fait que vous nous avez toujours fourni en matières premières, notre manière de vous rendre la pareille est de vous fournir la technologie». Acte de générosité? Ou échange de bons procédés? On pencherait plutôt pour la deuxième raison mais c’est en tout bien, tout honneur, si les deux parties sont conscientes de l’équité et de l’égalité des rapports.
Même les «Arabes» sont aujourd’hui conscients qu’ils ne peuvent plus se laisser manipuler sous prétexte d’acquérir un semblant de savoir technologique, c’est aujourd’hui du donnant/donnant. Ainsi va la vie et le monde.