Crise de la dette : l’euro accusé mais pas condamné en Allemagne

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ège de la Banque centrale européenne à Francfort, en Allemagne, le 29 avril 2010 (Photo : Thomas Lohnes)

[14/12/2010 10:49:02] FRANCFORT (Allemagne) (AFP) La crise de la dette de certains pays de la zone euro a dégradé l’image de la monnaie unique auprès des citoyens européens, et notamment des Allemands, mais peu nombreux sont ceux qui envisagent vraiment un retour en arrière.

Selon un récent sondage, 36% des Allemands souhaitent le retour du Deutschemark. Fin juin, dans les remous de la crise grecque, ils étaient majoritaires (51%).

“L’euro n’a jamais été vraiment aimé en Allemagne”, rappelle l’économiste Frank Engels, de Barclays Capital. A ses débuts il avait même été surnommé le +teuro”, un jeu de mots avec l’adjectif “teuer” (“cher”), se souvient-il.

Les critiques ont refait surface avec la crise. “De plus en plus d’Allemands redoutent de devoir payer pour des erreurs commises par d’autres pays de la zone euro”, constate Martin Koopmann, politologue et directeur de la fondation Genshagen.

Dans son livre récemment paru “Sauvez notre argent! L’Allemagne est bradée”, l’ancien chef de la fédération allemande de l’industrie (BDI), Hans-Olaf Henkel, suggère de couper la zone euro en deux, avec une monnaie pour les pays du Nord, dont l’Allemagne, et une autre pour ceux du Sud, dont la France.

Mais les voix alarmistes demeurent marginales, même si le ministre des Finances Wolfgang Schäuble a pris soin de mettre en garde début décembre contre “le danger d’un parti anti-euro”, qui pour l’instant n’existe pas.

Car les avantages de l’euro pour l’Allemagne, vice-championne du monde des exportations après la Chine, sont indéniables. Grâce à lui, les coûts des échanges commerciaux avec ses partenaires européens ont “énormément baissé”, relève Frank Engels.

Si le D-Mark existait encore, son cours serait probablement plus élevé que celui de l’euro car il serait perçu “comme une valeur refuge”, ce qui aurait pour effet de renchérir les produits allemands, poursuit-il.

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äuble, le 29 novembre 2010 à Berlin (Photo : John Macdougall)

Au diapason de la population, la chancelière Angela Merkel a opposé une fin de non-recevoir à l’idée d’émettre des emprunts européens communs pour faire baisser le coût de la dette des pays en difficulté. Ce qui pour l’Allemagne, dont les taux d’intérêts sont bas, reviendrait à payer plus cher.

Mais depuis plusieurs semaines, Berlin multiplie aussi les déclarations pour défendre l’euro et assurer de l’attachement de l’Allemagne à l’Union monétaire et à l’Europe en général.

Ce message ne va toutefois pas assez loin pour Martin Koopmann: “Nous avons besoin de responsables politiques qui affirment encore davantage les aspects positifs de l’euro, tout en expliquant qu’en temps de crise il faut être prêt à en payer le prix”.

Le risque d’un populisme allemand anti-euro de grande ampleur est cependant “exagéré”, relativise le politologue, soulignant qu’il n’existe pas un grand courant souverainiste dans le pays.

Chez les partenaires de l’Allemagne, le chef du Parlement slovaque, Richard Sulik, a estimé lundi que son pays, qui a adhéré à l’euro en 2009, devrait envisager le retour à la monnaie nationale. Mais ce sentiment est loin de faire l’unanimité.

En Italie, où le parti populiste de la Ligue du Nord a pu par le passé se montrer très critique, il n’existe actuellement aucune défiance vis-à-vis de la monnaie unique.

En Grèce, la victoire récente aux élections locales du parti socialiste au pouvoir, initiateur du plan d’austérité, montre que pour la majorité des Grecs, il n’existe aucune solution alternative crédible, selon Thomas Gerakis, sociologue et directeur de l’institut de sondage Marc.

Et au Portugal, une minorité de personnes (29,1% selon un sondage publié samedi) estiment que le pays doit quitter l’euro tandis que le quotidien de référence Publico titrait dimanche “Euro: le quitter serait le chaos”.