ège de la BCE à Francfort (Photo : John Macdougall) |
[14/12/2010 18:38:16] FRANCFORT (Allemagne) (AFP) La Banque centrale européenne (BCE), qui soutient depuis plusieurs mois les pays les plus fragiles de la zone euro, envisage manifestement d’augmenter son capital, une démarche interprétée comme un signal politique à l’attention des Européens.
Une augmentation de capital sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs de l’institution jeudi, et des discussions sont en cours avec les banques centrales nationales, a indiqué mardi à l’AFP une source européenne proche du dossier.
Selon une source du gouvernement allemand, le sujet pourrait aussi être évoqué par le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, à un dîner réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement à Bruxelles jeudi.
Interrogé lundi soir à Francfort, M. Trichet s’est refusé à tout commentaire.
L’Allemagne, première économie européenne et dont la banque centrale Bundesbank détient près d’un cinquième du capital de la BCE, soutiendrait la démarche, selon cette source allemande.
Les pays de la zone euro, par l’intermédiaire de leurs banques centrales, possèdent environ 70% du capital de l’institution, d’une valeur nominale de 5,76 milliards d’euros. Les banques centrales des autres pays de l’Union européenne se partagent les 30% restants.
Pour Gilles Moëc, économiste de Deutsche Bank, la démarche a tout l’air d’un “rappel que la capacité d’action de la BCE n’est pas aussi illimitée que d’aucuns peuvent le penser dans certaines capitales européennes”.
“+Ne pensez pas que la BCE va prendre en charge votre situation toute seule+, c’est ce que cela peut vouloir dire”, interprète-t-il pour l’AFP. La BCE “n’est peut-être pas prête à continuer avec le programme d’achats d’obligations ou d’autres types de mesures non-orthodoxes sans engagement des gouvernements nationaux”, poursuit-il.
La BCE a décidé au printemps dernier sur fond de crise de la dette grecque d’intervenir directement sur le marché de la dette, en achetant des titres des pays les moins solvables. Ce programme reste très contesté, en son sein même.
A ce jour, elle a acheté pour 72 milliards d’euros d’obligations principalement grecques, portugaises et irlandaises.
Le rythme des achats, qui s’était pratiquement tari à la fin de l’été, a repris avec plus de vigueur ces dernières semaines, crise irlandaise oblige.
“Une augmentation de capital montrerait aux marchés que la BCE est suffisamment capitalisée pour acheter encore plus d’obligations” des pays de la zone euro, a déclaré la source allemande.
Pour Thorsten Polleit, économiste de Barclays Capital, “il n’est pas absolument impératif d’augmenter le capital de la BCE” pour qu’elle s’acquitte de ses achats sur les marchés.
Ceux-ci sont en effet réalisés par la BCE et les banques centrales nationales qui composent avec elle l’Eurosystème, dont le total de bilan avoisine les 2.000 milliards d’euros.
“Les banque centrales nationales, qui ont des parts dans le capital de la BCE, supportent de toute façon le risque éventuel lié à ces opérations”, explique M. Polleit. Une logique qui accrédite la thèse d’un geste aux motivations principalement politiques.
Pour Marie Diron, économiste-consultante chez Ernst & Young, la BCE est effectivement “de moins en moins à l’aise dans son rôle depuis l’éclatement de la crise irlandaise, qui brouille les frontières entre politique monétaire et politique budgétaire”.
Pour elle toutefois une augmentation de capital serait aussi motivée par des facteurs techniques, la BCE voulant se prémunir contre des moins-values sur les titres qu’elle achète à l’heure actuelle.