Pour une mauvaise nouvelle de fin d’année, c’en est bien une. Le système scolaire tunisien a été très mal noté, en ce mois de décembre 2010, par l’enquête trisannuelle de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). La Tunisie a été classée 55ème sur un total de 65 pays listés.
Cette enquête, dénommée également test PISA, qui apprécie les compétences (savoir lire et calculer une distance…), a pour spécificité de ne pas juger la maîtrise d’un programme scolaire précis (mémorisation…). Elle évalue l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l’école aux situations de la vie réelle. PISA analyse également les facteurs qui impactent sur les performances grâce à des questions portant sur l’approche de l’apprentissage et le milieu social des élèves.
En plus clair, les 400 élèves adolescents de 15 ans enquêtés ont été appréciés sur la base de trois critères: la maîtrise des actes de lire et d’écrire, la qualité de leur culture scientifique et la nature de l’environnement humain (élèves autochtones, immigrés, ruraux, urbains…).
Sur l’échelle globale de compréhension de l’écrit, les élèves tunisiens se sont avérés de mauvais élèves. Ils ont été crédités du score de 404 alors que la moyenne annuelle de l’OCDE est de 493.
La Tunisie, qui figure parmi les dix derniers, est bien loin des dix premiers: la ville chinoise de Shanghai (556), Corée du sud (539), Finlande (536), Hongkong (533) et Singapour (526), Canda (524), Nouvelle Zélande (521), Japon (520), Australie (515) et Pays-Bas (508).
Au plan régional, la Tunisie est devancée par la Turquie (40ème), Dubaï (41ème) et d’une courte tête par la Jordanie (54ème). Elle peut se consoler d’avoir fait mieux que Qatar (60ème) et l’Albanie (59ème). Avec un score de 496 points, la France, dont notre système scolaire est inspiré du sien, est tout juste moyenne.
Sur l’échelle de la culture mathématique et scientifique, la Tunisie s’est vue attribuée les notes 371 et 401 contre une moyenne respective de l’OCDE de 496 et de 501.
Le pourquoi d’un mauvais classement
Reste à savoir pourquoi le système scolaire tunisien a été si mal noté par cette enquête 2009 mais également par les enquêtes précédentes (2003, 2006).
Les entraves qui empêchent nos élèves de se distinguer sont en fait «une pure création tunisienne». Nous en sommes responsables du moins. Pour ne citer que les plus visibles: l’absence d’évaluation du corps enseignant. En Finlande, dont le peuple était composé, il y a trois décennies, de simples pêcheurs et coupeurs de bois, figure, aujourd’hui, parmi les trois premiers. A la base de cette performance, l’attention qu’il porte à la formation des maîtres. Dans ce pays, les maîtres sont bien préparés et ne sont recrutés que lorsqu’ils sont déclarés aptes à enseigner. Mieux, les maîtres d’école sont bien payés, bien motivés et très respectés par la population. Ce qui n’est pas, hélas, le cas chez nous.
Autre problématique: l’inexistence d’épreuves nationales pour évaluer le niveau des élèves. Le passage automatique d’une année à une autre est pointé du doigt. Il compromettrait énormément la qualité de notre niveau scolaire.
Même le Baccalauréat, il a été dopé par les 25% de chances instituées pour repêcher les cancres. Il y a, aujourd’hui, une unanimité pour un retour au verdict des examens, au passage par la moyenne et aux épreuves nationales (certificat d’étude et sixième).
Selon la même enquête, le système scolaire reproduit les inégalités régionales et sociales. Ainsi, l’écart de score entre les élèves scolarisés dans les milieux rural et urbain est estimé à 45 points, l’équivalent de plus d’une année d’études, en moyenne, dans les pays de l’OCDE.
Et pour ne rien oublier, la fâcheuse tendance des riches et hauts cadres du pays à ne pas croire au système scolaire du pays. Aujourd’hui, il est presque impossible de trouver le fils d’un tel ou tel notable dans une école publique. Tous les nantis inscrivent leurs enfants dans les écoles internationales privées, générant un effet de domino négatif auprès de la classe moyenne dont les membres recourent à l’endettement excessif pour payer les études de leurs enfants dans le privé.
Pourtant, la situation n’est pas catastrophique. Le mauvais classement de la Tunisie n’est pas une fatalité. Il peut servir d’électrochoc pour mieux se relever.
A titre indicatif, l’Allemagne, qui a été mal classée en 2000, a su transcender son traumatisme et s’inspirer d’expertises étrangères pour améliorer en 2009 son score. Les observateurs parlent depuis du come back de l’Allemagne. Les Allemands ont appelé cela le PISA-shock et se sont mobilisés. En lecture, ils ont gagné 13 points, en maths 10 et en sciences 4. Ils ont même dépassé les Français, au classement général.
Quant aux expertises recommandées, la Tunisie gagnerait beaucoup à s’inspirer des systèmes scolaires finlandais et canadien. Ces systèmes ont fait leur preuve. Ils ont été toujours classés parmi les premiers par le test PISA.