Paul Jorion, le financier blogueur qui vit des dons des internautes

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à son domicile de Vannes, le 8 décembre 2010. (Photo : Frank Perry)

[17/12/2010 07:51:04] VANNES (AFP) Après avoir longtemps endossé le costume de financier – prédisant au passage la crise des subprimes – l’anthropologue belge Paul Jorion vit désormais des 2.000 euros mensuels donnés par les lecteurs de son blog, devenu une référence en matière économique.

Le “blog de Paul Jorion” est né le 27 février 2007 aux Etats-Unis, un mois après la parution de son livre “Vers la crise du capitalisme américain ?”, qui annonçait la crise.

Ses billets et ceux de ses invités, ainsi que ses vidéos hebdomadaires “le temps qu’il fait”, où il met en perspective des sujets économiques et financiers, rassemblent plus de 200.000 fidèles depuis février, contre un petit millier au départ.

En mai, lors des attaques spéculatives sur l’euro, la fréquentation a même atteint un pic de 364.000 lecteurs, selon les chiffres publiés sur le blog.

“La fréquentation répond très fortement à des inquiétudes et à l’actualité”, explique Paul Jorion, 64 ans. “Elle suit, à l’inverse, les cours de la Bourse,” s’amuse-t-il.

Lorsqu’il quitte les Etats-Unis en mai 2009 pour s’installer à Vannes (Morbihan), il se retrouve sans activité rétribuée et rapidement confronté à un dilemme : continuer le blog “qui demande beaucoup d’attention” et énormément de temps, ou chercher du travail ?

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économie, participe à un forum économique international en septembre 2010 (Photo : Bartek Wrzesniowsk)

Face à ses velléités d’arrêter le blog, un mouvement des lecteurs s’amorce alors pour l’encourager à poursuivre. “Un vrai débat s’est instauré parmi eux : comment faire pour qu’il puisse continuer à faire cette info ?”, raconte Paul Jorion.

“On m’a demandé de combien j’avais besoin pour me débrouiller, j’ai répondu 2.000 euros”, poursuit-il. Les réactions ont été contrastées: “on m’a dit que c’était scandaleux, que des gens se débrouillaient avec 800 euros. D’autres ont dit que c’était une insulte à l’intelligence” et largement insuffisant compte tenu du sacrifice demandé d’un emploi salarié, se souvient-il.

“Au départ, j’étais assez ennuyé : j’avais l’impression d’être comme un saltimbanque”, confie l’anthropologue. Depuis, “certains lecteurs m’ont montré qu’il ne fallait pas être contrarié, qu’il s’agissait d’un nouveau type de rétribution du travail”, classique dans le domaine du logiciel libre, explique Paul Jorion.

“L’aspect positif de cette formule, c’est le don, le fait que les gens qui font un don se sentent bien” et qu’il n’y a “pas de culpabilisation de ceux qui n’en font pas”. En revanche, “ça ne me met pas à un niveau de revenu comparable” à celui qu’apporterait un salaire, concède-t-il.

Chaque mois, il publie ses comptes sur son blog et désactive le système de don en ligne – qui propose des contributions entre 2 et 1.000 euros – à l’approche du seuil fatidique. La somme finale ne tombe jamais exactement sur 2.000, car certains lecteurs donnent par chèque.

La centaine de donateurs, qui offrent environ 20 euros chacun et dont il connaît seulement l’adresse mail, sont “disciplinés et arrêtent autour du 20-22”, explique-t-il. “Certains viennent le 27 pour voir où j’en suis” et complètent si besoin est, poursuit-il.

Mais malgré le succès de la formule – qui ne lui permet de cotiser ni pour la retraite ni pour le chômage – Paul Jorion, auteur d’une dizaine d’ouvrages et qui intervient sur la radio économique BFM et dans le quotidien Le Monde, ainsi qu’à l’Institut de gestion et de haute finance à Paris, reconnaît qu’il “ne refuserait pas systématiquement un poste d’enseignant !”.