Depuis la levée en 2003 de l’embargo imposé par les Nations unies, la Libye est
un vaste chantier. Au propre, parce qu’il s’y construit, à tout bout de champ et
aux quatre coins du pays, logements, ponts, ports, aéroports, autoroutes, etc. ;
et au figuré, car il n’y a presque pas de domaine qui ne soit le théâtre d’une
refonte plus ou moins profonde. Dans le champ économique, c’est à une véritable
révolution –contre-révolution, diront certains- qu’on voit se dérouler depuis
plusieurs années et s’accélérer au fil du temps.
Jadis «temple» de la «Troisième théorie» chère à Moammar Gaddafi au temps où il
voulait tenir son pays à égale distance du communisme et du capitalisme qu’il
dénonçait, la Libye est-elle en train d’en sortir sans le crier sur les toits?
En tout cas, certains choix, décisions, et réformes ne figurent pas dans le
célèbre «Livre Vert» du leader libyen. Comme la restauration en cours du
salariat, alors que cette «Bible» du «régime des masses» (Jamahiriya) veut qu’il
y ait «des associés et non des salariés». Jusque-là jugée inconcevable,
puisqu’elle touche à l’un des fondements essentiels de la théorie de «la
Troisième voie», cette réforme donne la mesure de la détermination des autorités
libyennes à transformer très profondément le système en place. Mais si
importante et essentielle soit-elle, cette réforme n’est pas la seule à avoir
été mise en œuvre ou à être en préparation. Il n’y a pratiquement aucun aspect
de la vie économique et sociale, en particulier -car, pour l’instant, il n’est
pas encore question de toucher à l’organisation politique du pays- n’échappe à
cette dynamique réformatrice.
L’objectif clamé haut et fort par les autorités étant de donner au pays les
moyens de ne plus être à la merci des ressources naturelles, et du pétrole en
particulier, donc de lancer de nouvelles activités et/ou de faire en sortie que
les secteurs déjà existants fassent leur mise à niveau, tout est fait pour
donner aux Libyens le goût, les compétences nécessaires et l’environnement
favorable requis pour cela.
Cette montée en puissance du secteur privé en Libye figure d’ailleurs en tête
des priorités d’Ali Haouij, secrétaire du Comité Populaire Général (autrement
dit ministère) de l’Industrie, de l’Economie et du Commerce. Coordonnant son
action avec celles des chambres de commerce, cet ancien patron de la
LAFICO (Libyan
Arab Foreign Investment Company), fait tout pour donner à ses concitoyens
l’envie de l’entrepreneuriat, faciliter la tâche de ceux qui décident de sauter
le pas –comme d’accorder en huit heures l’autorisation d’exercer une activité
économique-, d’essayer de trouver des solutions au problème des usines –et elles
sont nombreuses- à l’arrêt, et de suivre de près la mise en œuvre du programme
de développement industriel, etc.
Mais le gouvernement libyen ne semble pas reculer même devant les tâches et les
décisions les plus difficiles à faire accepter par les Libyens, donc à mettre en
œuvre. Comme celle de réduire le nombre de fonctionnaires.
Confronté depuis plusieurs années à une fonction publique pléthorique –qui
compte près d’un million de fonctionnaires-, le gouvernement (ou Comité
Populaire Général), présidé par Mahmoudi Bahgdadi, a récemment reçu l’aval des
comités populaires de base pour agir en vue de dégraisser ce mammouth, mais sans
recourir à des licenciements. Après avoir dans un premier proposé d’accorder
10.000 dinars libyens à tout candidat à un départ volontaire, les autorités –qui
vont lancer une étude pour déterminer le nombre optimal de fonctionnaires à
garder- ont amélioré leur offre.
Aujourd’hui, elles proposent de continuer à payer les salaires des
fonctionnaires en excédent, d’accorder aux partants, à la place de la prime de
départ, un portefeuille d’actions de sociétés bénéficiaires dans les télécoms (Libyana,
Al Madar), et des emplois au sein des sociétés libyennes à l’étranger.