«Ne soyez pas le Kodak de votre secteur, osez, anticipez et soyez innovants». Le message est lancé par Dr. Tawfik Jelassi, Ph.D. Professeur, e-Business et TIC School of International Management, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, lors du séminaire organisé récemment par la Chambre syndicale des SSII (Infotica) au siège de la Centrale patronale sous le thème «Comprendre les Changements pour mieux gérer le futur!». Les entreprises doivent considérer les technologies de l’information comme une opportunité et non pas comme une menace.
L’entreprise américaine Kodak ne l’a pas compris lorsqu’en 1976, elle a été la première à mettre au point un appareil photo digital. Elle l’a délaissé pour garder sa main mise sur le marché des pellicules. 24 ans plus tard, les Japonais commercialisent les appareils digitaux, et Kodak a dû, pour survivre à la révolution numérique, licencier près de 110.000 employés!
Les entrepreneurs ont tout intérêt à assimiler les TIC et en user pour mieux maîtriser les marchés à l’international, connaître leurs clientèles, cerner et anticiper leurs besoins et passer du concept de la conquête à celui de la fidélisation, et de celui de l’offre globale à celui de l’offre individuelle: le one to one. Car, comme le rappelle M. Jelassi, «ce n’est pas gratuit si Thomas Friedman, célèbre éditorialiste du «New York Times», a publié tout un ouvrage expliquant que la terre est aujourd’hui devenue “plate” par le simple fait que les frontière ont disparu grâce au développement de l’informatique, de la création de la toile et des logiciels, de l’externalisation, de la délocalisation, de l’uniformisation des chaînes d’approvisionnement, de l’information et de l’internalisation.
Qui sont les plus concernés par l’abolissement des frontières? Ce sont ceux mêmes qui sont animés par l’esprit de conquête facilitée aujourd’hui par l’unification de l’espace économique, commercial et communicationnel.
Les TIC doivent être utilisées comme un outil pour implémenter la stratégie de l’entreprise et levier stratégique pour créer de la valeur et se différencier sur le marché. «Un leadership innovant, entrepreneurial et qui sait gérer le changement est nécessaire pour bien réussir l’utilisation des TIC et pour repenser les produits/services, leurs processus d’activité et leur modèle business dans un monde de plus en plus digital». Plus encore le succès sera l’apanage de ceux et celles qui sauront capitaliser sur les spécificités des canaux physique et digital à travers une bonne stratégie d’intégration.
Innover c’est en fait arriver à proposer des technologies qui anticipent les besoins des marchés en développant des produits et des procédés, en devançant leurs réactions et ceux des concurrents et en élaborant de nouveaux modèles économiques.
Plutôt conquérir, il s’agit de fidéliser
L’innovation par les TIC représente aujourd’hui un aspect essentiel des stratégies concurrentielles, dont elle peut établir ou au contraire mettre en cause la continuité. C’est également l’une des voies de développement et de survie dans un environnement compétitif aux échelles à la fois locale et internationale.
Un leadership innovant, entrepreneurial et qui sait gérer le changement est nécessaire pour bien réussir l’utilisation des TIC, assure M. Jelassi, qui exhorte les entrepreneurs à ne pas être frileux. Dans un monde de plus en plus digital, les entreprises doivent repenser leurs produits/services, leurs processus d’activité et leur modèle business. Une stratégie TIC/e-business bien réfléchie peut fortement contribuer à la création de valeur pour l’entreprise et la différencier de ses concurrents. Pour ce grand spécialiste du e-Business, il s’agit aujourd’hui d’augmenter la pression sur les marges de profit et le “time-to-market”, d’intégrer les TIC dans les produits, services et processus d’activité et de nouvelles opportunités d’affaires et de nouveaux modèles business (eg, le “sur-mesure de masse” au lieu de la “production de masse”).
«Dans le passé, on voyait en chaque individu un client à acquérir. L’enjeu aujourd’hui est de voir en chaque client qu’on a un individu à fidéliser», estime Jack Welch, ancien PDG de General Electric.
Comment fidéliser? C’est en offrant un grand nombre de choix de designs et de composants et en minimisant la complexité de la chaîne d’approvisionnement et de production, répond Taoufik Jelassi. C’est également en usant des TIC pour collecter des informations sur les clients et du trafic sur la Toile pour renforcer la présence de la marque et son nom, en offrant des produits ciblés.
Tesco, le groupe de distribution international né en Grande-Bretagne, est devenu un pourvoyeur de services non pas en produits de consommation courante uniquement mais il a touché à tous les aspects de la vie du consommateur. Il propose des services allant du changement d’un pneu de voiture jusqu’aux travaux de maintenance d’une maison, le fait de garder des animaux domestiques et même d’assurer le babysitting. Toutes les demandes sont effectuées sur le Net et chaque client possède un profil dont les besoins sont définis sur la banque de données du site du groupe. C’est simple, Tesco.com est aujourd’hui pour le client du 21ème siècle ce qu’était le Génie d’Aladin.
En Tunisie, c’est le régime d’incitation à la créativité et à l’innovation dans le domaine des technologies de l’information et de la communication qui soutient les projets dans les activités innovantes et à forte valeur ajoutée dans le domaine des TIC.
En fait, plus que les incitations réglementaires et financières, oser baser toute la démarche managériale d’une entreprise sur les TIC, c’est surtout une question de culture, de formation, d’audace, de marchés et d’opportunités. Nous avons beau être les premiers classés en Afrique, en matière d’utilisation des TIC, nous ne pourrions pas développer de sitôt un entrepreneuriat évolué usant des nouvelles technologies de l’information si tout le reste ne suit pas. Tout le reste, ce sont des infrastructures performantes, des circuits financiers et de paiement évolués, efficients, sécurisants et sécurisés et surtout un public cible confiant et rassuré.
A voir la lenteur du développement du e-commerce, on est en droit de se demander comment pourrions-nous conquérir le monde si, à ce jour, nous n’arrivons pas à conquérir notre propre marché. Donc le monde serait-il aussi plat pour nous qu’il ne l’est pour les autres?