Le marché des euro-obligations prend forme et pourrait, à l’instar du Fonds européen de stabilisation financière, rapidement voir le jour. L’UE bétonne et fait barrage à l’exportation de son épargne financière qui a pris l’habitude de traverser l’Atlantique.
A quelque chose malheur est bon. Les PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne), après avoir lézardé l’édifice financier de l’Euro Groupe, avec la rafale des crises de leur dette souveraine, mettant à mal la monnaie unique et la solidarité communautaire, ont fini par le colmater. Et, même si la partie est loin d’être gagnée, il y a quand même une solution qui est plus que plausible, parce que réaliste et réalisable. L’UE a mis sur pied deux digues de sécurité pour parer aux vagues de crise de liquidité et de refinancement. Le Fonds européen de stabilisation financière peut pallier aux tensions de liquidités. Et l’amorce d’un marché unique des euros obligations, encore en plan, il faut le rappeler, pourra désormais faire face aux besoins de financement des pays membres. Avec cette deuxième initiative, l’UE pourra recapter l’épargne financière européenne qui avait pris l’habitude, faute d’emplois consistants, de déserter pour aller traverser l’Atlantique.
Le Bonus de la Crise grecque
La survenue de la Crise grecque a pris tout le monde de court. A peine la relance économique en route, la crise de la dette souveraine de la Grèce a failli ébranler l’édifice européen qui s’est trouvé, faute d’institutions financières d’urgence, démuni de riposte. L’on se souvient du bras de fer entre l’Allemagne -qui tournait le dos au problème et se résignait à voir la Grèce quitter l’euro- et la France qui faisait face et a plaidé pour la création d’un “FMI européen“.
Enfin le Fonds européen de stabilisation financière a vu le jour. Avec une dot de 750 milliards d’euros, il offrait une immunité à la monnaie unique et dissuadait les marchés de jouer contre l’euro. Ce sursaut de solidarité, appelé à sauver la mise à des pays dépensiers, pourtant tenus par le Pacte de croissance et de stabilité lequel encourage la parcimonie à la prodigalité budgétaire, a des conséquences vertueuses. Le Fonds a prêté les fonds qui manquaient à la Grèce, soit 115 milliards d’euros sur trois ans. Ce Fonds a joué comme une caution internationale. Le FMI a accepté d’apporter 25 milliards sur ce total, sans s’impliquer directement dans le plan d’austérité de la Grèce comme il avait coutume de le faire avec les autres pays.
Le plan de sauvetage de la Grèce, grâce au Fonds, était crédible au point que la Chine est venue trois mois plus tard investir en Grèce de manière conséquente. Et les choses ne se sont pas arrêtées là!
Le projet de création du «marché des euros obligations»
Malgré l’absence des frontières, l’UE a gardé des marchés d’émissions de dettes cloisonnés. Les marchés nationaux sont restés dans leur configuration d’origine, du chacun pour soi. Or, la Crise irlandaise est venue le rappeler: cette fragmentation des marchés obligataires était nuisible à l’UE car elle ne générait pas d’émissions massives capables d’absorber toute l’épargne financière européenne. Par conséquent, l’excédent européen, envers et contre toute logique, prenait la poudre d’escampette et allait se placer aux Etats-Unis, servant la prospérité américaine. Et les sommes sont considérables, se chiffrant en centaines de milliards d’euros. Le sommet européen de jeudi 16 décembre 2010, à la lumière de la deuxième secousse systémique, à savoir la Crise irlandaise a fini par se résoudre à mettre sur pied ce qu’il convient d’appeler un “Marché commun de la dette“.
Le projet d’euro-obligations va enfin prendre la taille critique qui lui revient et occuper tout le champ communautaire. Demain, les pays européens pourront s’adresser aux investisseurs au-delà de leurs frontières nationales.
Last but not least, la promotion de ce marché pourrait également susciter la création une “agence européenne de notation“ desserrant l’hégémonie des agences anglo-saxonnes dont on a éprouvé les limites, lors de la crise des «subprimes».
Le forfait scandaleux d’entre tous, c’était la note A+ accordée à Lehmann Brothers le jeudi 15 septembre 2008 qui avait été récusée le lundi d’après et la tombée en faillite de Lehmann. A priori, la perspective d’un marché des euro-obligations, outre la rétention de l’épargne financière européenne -qui sera un acquis en soi- pourra offrir des conditions de taux plus clémentes.
Souvenons-nous que la Grèce, en plus de l’ampleur du déficit, était également étranglée par la charge de sa dette. La voyant coincée, les marchés lui facturaient des marges de risques qui l’inhibaient. Quand l’obligation d’Etat de la RFA pour dix ans était à 3%, le même actif était facturé à la Grèse à 6,85%.
Au final, mais encore a priori, ce marché pourrait apporter des ressources abondantes et des coûts moindres, et donc l’UE ne sera plus jamais en panne de dette et pourrait, en toute probabilité, ne plus s’exposer à une crise de la dette
La reconversion du Fades en Fonds de stabilisation
L’expérience de l’UE est édifiante à plus d’un titre. Elle prouve que si l’instinct communautaire prédomine, les parades de stabilisation financière peuvent être trouvées au sein de regroupements régionaux. Par conséquent les fardeaux nationaux de refinancement peuvent être jugulés. On peut imaginer que le Fades, qui fait un travail remarquable en matière de financement du développement pan arabe, pourrait très bien nourrir un Fonds de stabilisation financière. Les excédents pétroliers trouveraient là un recyclage, utile à tous et ouvrant la voie à un marché arabe des obligations. Cet aspect n’a pas été évoqué lors du Sommet arabe de Kuweit-City en décembre 2009. Mais elle prend tout son relief avec le projet de Tunis, capitale financière régionale, d’autant que la place de Tunis a été à l’origine de la naissance du regroupement des Bourses arabes.
La question mérité d’être explorée.