Des entrepreneurs… pour investir dans des zones de développement prioritaire? Dans des zones en mal d’infrastructures et de commodités? Depuis quand la générosité des entrepreneurs va jusqu’à servir la cause sociale et revêtir une dimension philanthropique? Ceci existe peut-être dans les films mais rarement dans la réalité.
Un véritable entrepreneur doit prendre ses décisions en fonction de données économiques. «La distorsion en matière d’allocation optimale ne doit pas aller à l’encontre d’une allocation efficiente du capital qui est une ressource rare dans les pays en développement», explique un économiste. Il revient par conséquent à l’Etat en premier lieu de créer les conditions nécessaires et un environnement favorable pour rendre les investissements attractifs dans les zones défavorisées, quitte à être le premier à investir car il est de sa responsabilité d’assurer la paix sociale et de répondre aux revendications de ses contribuables. C’est à lui, donc, comme on l’avait dit dans un article précédent, de servir de tête de file en investissant le premier dans des zones à développement prioritaire.
Investir ne se limite pas uniquement et de manière restrictive à ce qui est d’ordre économique, il s’agit de culture, de sport, d’hébergement, de tout ce qui peut rendre la vie supportable dans une localité ou une région. En fait, à doter la région de toutes les commodités sensées offrir à tous ceux qui y vivent une qualité de vie acceptable.
Pour l’histoire, lorsque Rome conquerrait il y a plus de 2.000 ans un pays, la première chose qu’elle faisait était de construire à ses légionnaires de temple pour y prier, des thermes et les amphithéâtres. C’est dire l’importance d’une vie culturelle dans une ville. Nous y investissons, nous y travaillons, mais nous voulons également y vivre.
Lors du témoignage diffusé par Nessma TV, il y a quelques jours, l’un des habitants de Sidi Bouzid déplorait l’absence de toutes structures de distraction et de loisirs dans sa localité, ce qui explique d’ailleurs que ceux qui partent hésitent à y revenir.
S’agissant des entrepreneurs privés, ne nous leurrons donc pas, leurs premiers objectifs, lorsqu’ils investissent, c’est de gagner le maximum d’argent avec le minimum de coût –en tout la plupart d’entre eux. Les plus intéressés ne vont pas à l’aveugle investir dans une région ou un secteur s’ils n’ont pas la garantie d’un rapide retour sur investissement ou d’autres compensations et des satisfactions de différents ordres.
Pour celles qui ont une dimension citoyenne confirmée, il est indéniable qu’elles ont besoin d’appuis et qui ne sont pas forcément en rapport avec le code des incitations à l’investissement, qu’il s’agisse d’abattement sur les revenus, du choix du régime fiscal ou encore d’exonérations d’impôts.
Dans une étude publiée par Kamel Ghazouani*, il ressort «que la dynamisation de l’investissement privé n’est pas, principalement et essentiellement, une question d’incitation: des faiblesses de gouvernance économique, en particulier concernant la prévisibilité et la transparence du cadre réglementaire, ainsi que la contestabilité des marchés, constituent des contraintes importantes pour la promotion de l’investissement».
Pour preuve, même après la création de pôles de développement économique, on peine encore à trouver des investisseurs intéressés par les régions prioritaires. La réduction des disparités ne se fait pas par un coup de baguette magique ou du jour au lendemain. Elle nécessite un travail de longue haleine qui touche aussi bien les opérateurs privés que publics et qui s’étend sur des années, et cela ne doit pas s’arrêter aux plans quinquennaux.
Les plans de développement régional ne doivent plus dépendre des autorités locales uniquement mais se faire en concertation entre publics et privés chapeautés par les organismes et structures de tutelle telle l’UTICA, le ministère du Développement et de la Coopération internationale. Quitte à ce que l’Etat accorde des privilèges particuliers à tous ceux qui prennent le risque de s’implanter dans une région reculée du pays et être les premiers à profiter des ressources de la région.