En Inde, les nouveaux riches rechignent à faire preuve de philantropie

photo_1294393969474-1-1.jpg
à Bangalore le 23 juillet 2010 (Photo : Dibyangshu Sarkar)

[07/01/2011 10:01:46] NEW DELHI (AFP) En offrant deux milliards de dollars pour financer l’éducation en milieu rural, un très riche homme d’affaires indien a lancé le débat sur la philantropie, une pratique encore très peu répandue dans ce pays en pleine expansion économique.

Azim Premji, à la tête du géant de l’informatique Wipro, a annoncé en décembre qu’il se délestait de deux milliards de dollars, une somme record pour un particulier en Inde.

Cette annonce a mis dans l’embarras le club des 100 Indiens les plus fortunés, dont la richesse équivaut à 25% du produit intérieur brut du pays.

Les dons importants par des riches individus sont monnaie courante dans des pays comme les Etats-Unis, mais beaucoup moins dans les pays émergents, comme la Chine ou l’Inde, où 450 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Arpan Sheth, auteur d’une étude sur la philanthropie en Inde pour le cabinet de consultants Bain, estime cependant que le potentiel de croissance dans ce domaine est immense.

“Est-ce que les gens (en Inde) devraient donner plus, et notamment les plus riches? Est-ce qu’ils peuvent se le permettre? Je réponds +oui, absolument+ aux deux questions”, déclare-t-il.

L’économie indienne, en plein boom, a créé 17 nouveaux milliardaires en 2010, portant leur nombre total à 69, selon le magazine Forbes.

photo_1294394481659-1-1.jpg
Inde, le 1er avril 2010 (Photo : Dibyangshu Sarkar)

Deux Indiens, Mukesh Ambani, président du plus grand groupe privé indien Reliance Industries, et le magnat de l’acier Lakshmi Mittal figurent parmi les cinq personnes les plus riches du monde.

Selon Arpan Sheth, les dons à des projets caritatifs ne sont pas courants en Inde car l’accumulation de vastes richesses par des hommes d’affaires est un phénomène relativement récent.

“Nous avons une histoire marquée par la pauvreté. Il faut donc un certain temps pour avoir suffisamment confiance dans l’avenir et abandonner une partie de sa richesse nouvellement acquise”, souligne-t-il.

Les riches Indiens se méfient également des organisations caritatives, soupçonnées de mauvaise gestion, et craignent que l’argent soit gaspillé ou mal utilisé, ajoute le consultant.

L’étude de Bain montre qu’il faut en général entre 50 et 100 ans pour qu’une culture de la philanthropie émerge dans un pays dont l’économie produit des millionnaires.

“Beaucoup des nouveaux riches estiment que leur statut social, pour être au top, n’a besoin que de beaucoup d’argent”, relève Arpan Sheth.

Les étalages de dépenses grandioses sont plus admirés que critiqués en Inde, où les très riches n’hésitent pas à lâcher des centaines de milliers de dollars, voire des millions, pour un mariage.

Le généreux donateur Azim Premji souligne qu’une consommation extravagante est souvent le propre des nouveaux riches dans les pays où la croissance s’envole: “On peut le voir en Chine, en Indonésie, à Singapour et en Thaïlande. Les premières années, les gens veulent montrer qu’ils sont devenus très riches”, déclare-t-il à l’AFP.

En Inde, seuls 10% des fonds des organisations caritatives proviennent de dons de particuliers ou d’entreprises, contre 75% aux Etats-Unis.

Les fortunes établies, comme par exemple Tata Group, vieux de 142 ans, ont traditionnellement consacré leur donations à l’amélioration des conditions de vie de leurs employés, via des logements et les soins de santé.

Elles favorisent également les dons aux organisations religieuses, participent à la construction de temples hindous et privilégient les localités dont elles sont originaires.

Mais selon Deval Sanghavi, un ancien banquier qui conseille les très riches, les donateurs commencent à élargir leur horizon et veulent aider leur pays à améliorer l’éducation ou la santé des habitants.