Tour Eiffel : bilan de santé high-tech pour la vieille dame de fer

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éclairée le 25 décembre 2010 (Photo : Bertrand Guay)

[12/01/2011 07:45:56] PARIS (AFP) Laissée durant plus d’un siècle aux seuls soins des ouvriers et des peintres, la Tour Eiffel dispose désormais d’un bilan de santé high-tech réalisé par modélisation numérique, qui devrait lui permettre d’affronter sereinement les deux ou trois prochains siècles.

A sa construction par Gustave Eiffel pour l’Exposition universelle de 1889, la Tour était prévue pour être démantelée au bout de vingt ans. Comment ses 18.000 éléments ont-ils résisté depuis lors aux intempéries, aux aménagements et aux millions de visiteurs qui la piétinent chaque année ?

Plutôt bien ! Mais il aura fallu réaliser une modélisation numérique de la vieille dame de fer et résoudre une équation à plus d’un million d’inconnues pour s’assurer de son état de santé.

A son arrivée comme responsable des structures de la Tour Eiffel, Stéphane Roussin découvre, avec surprise, la dimension artisanale de l’entretien de l’édifice.

“Grosso modo, on faisait un check-up complet lors des campagnes de peinture et suivant ce que les peintres découvraient, on entretenait!”, raconte-t-il.

“Je viens d’un autre domaine, où on modélise d’abord les éléments neufs avant de les réaliser”, ajoute cet ancien officier de marine qui fut notamment chargé du porte-avions Charles-de-Gaulle à l’état-major.

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écembre 2010 (Photo : Eric Piermont)

En 2008, la SETE (Société d’exploitation de la Tour Eiffel) commande donc une modélisation numérique de la Tour de 324 mètres de haut, du même type que celles réalisées pour d’autres édifices aussi spectaculaires que le viaduc de Millau (2.460 m de long pour 343 m de haut), les tours jumelles Petronas en Malaisie (452 m de haut) ou la tour Burj Khalifa de Dubaï (828 m).

Problème: si les comportements des matériaux modernes utilisés dans ces ouvrages sont bien connus, il n’en allait pas de même pour la Tour Eiffel. “Aujourd’hui, les ponts sont en acier et boulons, alors que la Tour est entièrement faite de fer et de structures rivetées. On est parti de zéro pour revenir à la construction initiale de la Tour”, souligne M. Roussin.

Tandis que deux ingénieurs du Cetim (Centre technique des industries mécaniques) se plongeaient dans les plans d’origine de Gustave Eiffel pour la modéliser, d’autres faisaient passer toute une batterie de tests mécaniques et chimiques à ses éléments pour rentrer les bonnes valeurs dans leurs calculs.

Bonne surprise: le fer “puddlé” choisi par Eiffel, qui servait à la même époque à ferrer les chevaux, réagit un peu comme du bois, mais avec une résistance supérieure. Et il s’oxyde beaucoup moins que l’acier.

Une fois obtenue une “photographie” de la Tour en 2009, les ingénieurs se lancent dans de lourds tests virtuels pour étudier le comportement de la structure et de ses 148.000 “noeuds” en fonction de divers éléments (vents, neige, givre, visiteurs, etc.).

Après six mois de calculs, le modèle “dynamique” de la Tour est enfin prêt et permet toutes les simulations.

“On a fait tourner le modèle avec les normes européennes actuellement en vigueur et on a pu s’assurer que la Tour est bien dimensionnée. On a même été jusqu’à lui imposer deux fois son poids: la Tour bouge mais n’est pas détruite”, confie Stéphane Roussin.

Il se refuse à dévoiler quelles circonstances extrêmes pourraient endommager l’édifice mais assure que “la Tour a de la marge”.

Le modèle a surtout permis de comprendre que les zones jusqu’à présent les plus surveillées n’étaient pas nécessairement les plus “stressées” et que d’autres, plus vulnérables, étaient négligées.

Des enseignements utiles également pour adapter la vieille dame aux défis futurs, au premier rang desquels le réchauffement climatique et les polluants atmosphériques.