écran du site Bakchich.info |
[12/01/2011 18:41:49] PARIS (AFP) Entre le tout gratuit, qui génère audience mais peu de revenus faute de recettes publicitaires suffisantes, ou le tout payant, qui amène des abonnés mais fait considérablement perdre en visibilité, les sites d’informations tâtonnent toujours pour trouver leur modèle économique.
Mardi, Bakchich, faute de nouveaux financements, a annoncé son dépôt de bilan, preuve supplémentaire des difficultés de la presse en ligne.
“Après une période d’expérimentation où on acceptait de perdre de l’argent sur le web, il y a désormais une exigence de rentabilité. Il faut impérativement y parvenir”, analyse Nathalie Pignard-Cheynel, directrice de département à l’école de journalisme de Grenoble.
Le premier réflexe est de tout faire payer, comme The Times en Angleterre depuis l’été 2010. Mais aussitôt, “c’est entre 60 et 80% de l’audience qui chute”, souligne-t-elle.
Mediapart, qui dit compter 47.500 abonnés, ou Arrêt sur images fonctionnent pourtant avec un contenu gratuit très limité et des abonnés qui payent.
Mais ces sites “se reposent chacun sur une personnalité forte (Edwy Plenel et Daniel Schneidermann), avec des abonnés qui n’ont pas une démarche de consommateur, mais de soutien par rapport à la ligne éditoriale”, souligne le journaliste Philippe Couve, coauteur du rapport : “Medias : nouveaux modèles économiques et questions de déontologie”.
écrans de Mediapart le 7 juillet 2010 (Photo : Jacques Demarthon) |
Pour les autres sites plus généralistes, comme ceux de Libération, du Monde ou du Figaro, “le modèle payant et étanche n’a pas grand avenir”, estime le journaliste Marc Mentré, spécialiste des nouveaux médias (www.themediatrend.com). “D’autant que cela va à l’encontre du fondement du net, basé sur l’échange et le partage des liens”, précise-t-il.
De surcroît, compte tenu de la multiplication des sites et de la vitesse de circulation des informations, souligne Marc Mentré, “l’info généraliste ne peut être que gratuite, elle n’a pas de rentabilité. Pour faire payer, il faut de la valeur ajoutée”. “De l’info plus pointue”, abonde Philippe Couve.
La tendance est aujourd’hui aux modèles mixtes gratuits-payants, les offres “freemium”. “C’est de l’équilibrisme, juge cependant Nathalie Pignard-Cheynel, car il faut conserver beaucoup de contenus gratuits pour continuer à avoir de la publicité, tout en permettant aux abonnés d’accéder à un contenu avec une réelle valeur ajoutée, comme des dossiers, de la vidéo… Deux impératifs contradictoires”.
De son côté, lefigaro.fr a choisi de se diversifier avec des petites annonces, de la billetterie ou l’assurance en ligne et parvient ainsi “à équilibrer son pôle numérique”, note Philippe Couve.
ération |
D’autres sites s’en tirent cependant en demeurant totalement gratuits comme le Huffington Post aux Etats-Unis, même s’il a mis cinq ans à être rentable selon Marc Mentré, ou Rue 89 et Owni en France.
Ces derniers, relève Nathalie Pignard-Cheynel, “déportent le problème de leur financement sur d’autres segments en utilisant leur compétence dans la formation, le conseil ou la création de sites”, activités plus lucratives.
“Il faut accepter de faire quelque chose qui n’est pas du journalisme, mais cela reste dans le même secteur d’activité”, ajoute-t-elle.
“Il n’y a cependant pas +un+ modèle. On est dans une phase de maëlstrom”, juge Philippe Couve, également collaborateur de Rue 89.
Et au-delà du problème de la monétisation des contenus, il faut se pencher sur les contenus eux-mêmes. “Même si cela évolue, poursuit-il, beaucoup de choses proposées en ligne sont des contenus de presse écrite. Il faut mieux s’adapter aux nouveaux supports, il y a encore beaucoup de choses à explorer”.