Mercredi 12 janvier 2011, un couvre-feu a été instauré dans le Grand Tunis. Mais
ceci a-t-il servi à calmer les gens? Toujours dans la journée d’hier encore, le
ministre de l’Intérieur a été limogé, annonce à laquelle s’ajoutent des mesures
importantes sur les abus et les responsabilités sur la corruption dans le pays.
Mais cela a-t-il servi à apaiser les esprits? Apparamment non, car notre chère
Tunisie continue de brûler actuellement; des pillages et des saccages sont
constatés dans la zone du couvre-feu… et tout se passe comme si ceci n’a fait
qu’alimenter encore plus la rage des gens.
J’habite dans une cité populaire, en proie à de vifs accrochages actuellement, à
savoir Ettadhamen, une cité qui compte près d’un million d’habitants. On dit
qu’il s’agit de la plus grande cité en Tunisie. Construite dans l’anarchie, la
cité constitue aujourd’hui un témoin vivant de l’exode rural. Ici, des familles
entières se sont créées, des enfants sont nés et aspirent à un monde meilleur et
surtout juste. Mais on leur a appris qu’être né dans un quartier pareil, c’est
déjà un handicap.
Ici, le chômage est une seconde nature. L’injustice et la marginalisation
sociale sont d’usage. Les abus de toute sorte sont force de loi, comme
d’ailleurs dans plusieurs quartiers semblables. Ici, il y a des gens qui vivent
dans la misère, des gens qui vivent au jour le jour. La cité a la réputation
d’une zone à risque, et certaines personnes n’osent même pas y entrer. Mais
cette cité a changé depuis des années. La nouvelle génération est bien
instruite. Les jeunes diplômés du supérieur se comptent par centaines. Elle
prend une nouvelle allure. Une dynamique économique s’y est créée, même si elle
est anarchique par endroit. De nouveaux commerces ont fait leur apparition, même
si les commerçants ambulants sont encore nombreux. Le banditisme existe
toujours, et ce n’est pas un secret. Mais les responsables locaux n’ont rien
fait pour l’éradiquer. Les intérêts personnels sont plus importants que
l’intérêt général.
Perte de contrôle…
Ce qui s’est passé les deux nuits précédents a provoqué l’indignation. Les
jeunes de la cité ont enfin réagi à ce qui se passait dans le reste du pays. Les
tirs à balles réelles ne se sont pas arrêtés. On entendait les cris et on
sentait les bombes lacrymogènes. Hier matin, on voyait qu’une banque a été
entièrement brulée et que deux autres ont été saccagées. Comment la police et la
protection civile ne sont pas intervenues pour stopper ces malfaiteurs? C’était
inadmissible pour les habitants de la cité. Est-ce que le pire est à venir.
Hier, lorsque je suis rentrée vers 17h, la cité Intilaka était en fumée et
complètement encerclée par des éléments de la police et de l’armée. Les bombes
lacrymogènes nous brûlaient les yeux. Bref, une ambiance chaotique. Peu après,
j’ai fait le tour du quartier – après y avoir pu accéder-, des pillages étaient
en cours. Des jeunes emportaient des biens volés. J’étais choquée. Comment ceci
a-t-il pu arriver en présence de la police, censée protéger les populations et
leurs biens?
Des pillages en masse…
Au beau matin, on s’est réveillé sur un paysage désolant. Se dirigeant vers la
station du métro –les bus n’entrent plus dans le quartier depuis deux jours-,
des masses se sont formées devant les boutiques et les banques saccagées. Une
boutique de location de robes de mariées est partie en fumée. La protection
civile, pourtant qui se trouve à proximité, est arrivée trop tard. Plus loin, à
l’Intilaka, une boutique d’électroménager et une quincaillerie ont été
saccagées. Un bus brûle devant la station du métro. On ne voit aucun policier
dans les environs; pas de militaires non plus. Ils se seraient retirés. Mais
alors pourquoi?
Le cas de la cité Ettadhamen n’est pas isolé. D’autres quartiers vivent la même
situation et le même chaos. Une situation inadmissible et qui montre que «les
forces de l’ordre» semblent perdre le contrôle. Dans des quartiers où la misère,
l’injustice sociale et la corruption se répandent, il est naturel que le
banditisme fasse force de loi, que la violence prévale et que le pillage se
répande. Lorsque nos responsables délaissent leurs devoirs envers les
populations défavorisées, il est normal que les gens réagissent violemment.
Ce qui s’est passé la nuit dernière semble montrer que le contrôle n’est plus
entre les mains des forces de l’ordre. Ce sont les populations qui contrôlent
désormais la situation. L’utilisation de la violence, avec des tirs à balles
réelles, n’a fait qu’aggraver la situation. Personne ne voit actuellement une
porte de sortie de cette crise que vit la Tunisie. Le désespoir, la détresse et
l’anxiété sont visibles sur tous les visages. Mais peut-être aussi la lueur d’un
avenir meilleur où justice et liberté vont prévaloir…