Il y a quatre ans déjà, la Banque mondiale a entrepris dans plusieurs régions du
monde, y compris en Tunisie, des actions pour la promotion de la bonne
gouvernance.
Parmi les plus importantes propositions de la Banque mondiale, passer en revue
les cadres légaux et réglementaires qui régissent la lutte contre la corruption
et émettre des recommandations en vue de leur réforme ou de leur
restructuration. Promouvoir la transparence et l’accès à l’information qui sont
des éléments clés de la lutte contre la corruption. Adopter des lois sur les
déclarations de biens et revenus et des lois prévenant les conflits d’intérêt.
L’institution financière estimait qu’il fallait développer des programmes
efficients avec ses pays partenaires sur la conception et la mise en œuvre d’une
stratégie intégrée de lutte contre la corruption. Les mécanismes généralement
pilotés par les gouvernements sont fondés sur la participation active du
parlement, du secteur privé et des organisations de la société civile.
La Banque mondiale, qui considérait la Tunisie comme «un bon élève», lui a
toujours “gentiment” reproché “une certaine mauvaise gestion” ( une manière
d’habiller le terme «corruption» ) et qui lui fait perdre près de 1,5% de
croissance annuelle. Traduction en langage d’emplois: 30.000 postes par an.
Aujourd’hui, l’état dans lequel se trouve le pays et la conjoncture par laquelle
il passe, la décision de mettre en place une commission d’instruction sur la
corruption est la bienvenue (même si elle arrive très tard), il faudrait bien
évidemment avoir un organisme permanent de lutte contre la corruption
représentant toutes les composantes publiques, privées et la société civile.
«Les fuites du système se traduisent sur le terrain en pertes d’emplois. Ces
fuites s’expriment de deux manières: détournement de capitaux dont une partie
est thésaurisée et une autre est remise dans le circuit économique sous forme
d’investissements ou de création de projets et une autre considérée comme étant
la plus dangereuse et qui se traduit par des fuites de capitaux à l’étranger.
Celle-là est la plus périlleuse car ces capitaux sont irrécupérables et
représentent des pertes irréversibles pour le pays», a expliqué à l’occasion un
expert économique.
«Elloum baad el Kdha bedaa»
Aujourd’hui, plus que jamais le dicton national «elloum baad el Kdha bedaa» (à
quoi servent les reproches quand nous avons déjà été frappés par le sort) est
d’actualité. Grâce à ce 1,5% de croissance de perdu par an, nous aurions pu
créer 300.000 emplois en dix ans…
Aujourd’hui, l’urgence est à réparer les dégâts engendrés par la violence d’où
qu’elle vienne et à reconstruire ce qui a été détruit. Il ne s’agit pas de se
jeter des pierres les uns les autres.
Quant aux entrepreneurs, ils ne cachent pas leur inquiétude, car ils estiment
que les messages qui ont été lancés à ce jour par les pouvoirs publics ne sont
pas assez forts. Beaucoup parmi eux n’en sont pas convaincus…
«C’est de la folie de nous parler de notre rôle aujourd’hui, a rétorqué un
opérateur privé; aujourd’hui, c’est rien, nada, que voulez-vous qu’on vous dise
alors que nous ne savons même pas si ce soir ou demain nos maisons mêmes seront
épargnées». Et cet entrepreneur d’apporter son témoignage: «C’était une nuit de
cauchemar hier à la Soukra. Des bandes de jeunes dès le début du couvre-feu de
20h ont attaqué une pharmacie, un café, une banque et des boutiques privées pour
les piller. Les gens étaient terrorisés chez eux, ma fille de 17 ans pleuraient
à l’écoute des rafales de sommation de l’armée. Des cris venaient de parts et
d’autres sans que l’on sache ce qui se passe exactement. Le chaos… pourquoi
attaquer les biens des civils, pourquoi toute cette haine des Tunisiens contre
des Tunisiens? Ça a commencé dans les stades il y a deux ans et ça se passe dans
nos cités aujourd’hui. Ceux qui cassent ne sont pas des demandeurs d’emplois
diplômés. J’ai l’impression qu’on a tout faux».
Comment peut-on parler d’investissement, de création d’emplois alors que
l’argument sécuritaire et de paix sociale est tombé de lui-même? Que des
opérateurs privés nous disent aujourd’hui, qu’en fait, ils n’ont rien à dire, ne
peut nous surprendre, le capital a horreur de l’incertitude et nous sommes en
plein dedans.
«Il n’y a plus de visibilité, nous ne voyons pas d’horizons aujourd’hui, comment
voulez-vous que nous pensions à une porte de sortie? Calculez le nombre de jours
de perdus depuis trois semaines, calculez l’impact de ce qui s’est passé sur
notre image à l’international et vous verrez que, pour le moment, nous ne
pouvons qu’attendre», nous a déclaré une jeune entrepreneur. Mais attendre quoi?
La décision du couvre-feu décrété mercredi 12 janvier par le gouvernement a eu
des conséquences néfastes sur certains centres d’appels. Alors que la saison des
soldes avait démarré le jour même, les téléopérateurs sont rentrés tôt chez eux.
Nombre de réservations touristiques ont été annulées d’après des agents de
voyage.
Aujourd’hui, l’urgence est à la prise de décisions constructives et courageuses
qui rétablissent la confiance et réinstaurent la crédibilité de l’Etat pour
calmer la rue et assurer un retour au calme.
D’autre part, nous devons tous nous atteler à reconstruire notre pays mais cette
fois-ci sur de bonnes bases, parce que pour le réédifier, nous aurons besoin de
créer des emplois (eh oui, encore une fois) quant aux blessures morales, il
faudrait laisser du temps au temps, car soyons réalistes, cela ne se fera pas de
sitôt