Le président déchu a fui. Ben Ali est en Arabie saoudite mais les Tunisiens
continuent de subir les foudres de ce qui reste de ses forces au pouvoir et
mettent le pays à feu, à sang et à sac. Le jour même de son départ, la polémique
a été lancée en Tunisie à propos de la légalité et de la légitimité de la
passation. Le lendemain, les choses ont été remises en ordre selon la
Constitution.
C’est alors le président de l’Assemblée nationale qui devient président par
intérim du pays. Il fait le serment de respecter la Constitution. Pourtant, la
population, désormais vivifiée et réconciliée avec son pays, exprime le refus.
Le principal combat pour le moment se fait sur le terrain, sous les coups de feu
et des pertes de vies humaines. Les citoyens tunisiens, désormais réconciliés
avec eux-mêmes et leurs compatriotes, se serrent les rangs. Ils réorganisent
leur vie, leur quartier, leur ville et veillent à la sécurité des familles et
des biens privés et publics.
La phase actuelle est celle de l’organisation et la création de nouvelles
oppositions et formes de propositions. On assiste en ce moment à l’émergence
d’un nouveau leadership tunisien. C’est dans cet exercice périlleux que
s’apprend la citoyenneté. Ce qui n’était au début qu’une révolution sans
leadership a obtenu le départ d’un dictateur. Aujourd’hui, c’est une révolution
qui construit et se construit avec un nouveau leadership qui est en train de
s’organiser et de travailler pour aller vers la démocratie.
Quand un peuple sait qu’il porte le succès en lui, c’est un peuple libre. Quand
il avance en front uni pour réclamer son dû, une démocratie, rien ne peut lui
résister. Une jeunesse éduquée et formée qui reprend son destin en main ne peut
se retrouver représenté par le pouvoir qu’elle combat. Un pouvoir répressif, un
parti unique et les mêmes hommes à son service depuis trop longtemps.
Le scénario proposé est fortement contesté par cette jeunesse ainsi que par
l’opposition non reconnue. L’opposition reconnue est quant à elle plus
consentante.
A l’heure actuelle, certains estiment que l’urgence est à la reconstruction du
pays et à la validation des choix de son peuple. D’autres affirment qu’il s’agit
de sauver le pays de la catastrophe économique, de l’anarchie qui y règne et de
l’inconnu. Le chemin vers la démocratie est semé d’embuches et d’obstacles. Ce
que réclame cette jeunesse, qui revit et se redéfinit, est clair: «Je n’ai
jamais été aussi fière d’être tunisienne», dira Sonia au bord des larmes. Tous
scandent en un seul homme les ardeurs cette jeunesse qui est bien trop instruite
pour se retrouver encore liée au même régime qu’elle combat. Un régime en qui
elle n’a plus confiance. Un régime guidé par des forces qui mettent le pays à
feu et à sang.