Plus que jamais, notre économie a besoin d’un nouveau souffle et d’une
redéfinition de ses composantes. Il est maintenant urgent de revoir notre modèle
de développement économique, qui tiendra forcément compte des acquis et des
réussites du passé, mais devra s’adapter aux exigences du présent et les enjeux
du futur. L’étape que nous vivons actuellement est une des plus critiques, car
elle comporte un niveau d’incertitude élevé (pression sociale, volatilité des
prix de matières premières et de l’énergie, frilosité des IDE, etc.). Pour
atteindre l’impératif palier de croissance du PIB de 7% par an, et rendre espoir
à un large pan de la population en droit d’aspirer à un avenir meilleur, il est
d’abord de la responsabilité des entrepreneurs et investisseurs tunisiens
d’identifier et actionner les leviers de croissance dans une logique de
performance durable et équitable.
Je pense que, pour faire face à la conjoncture, les secteurs productifs devront
être re-organisés, à l’aune de la société du savoir. Le potentiel productif
pourra être sensiblement rehaussé par une consolidation par filière dans des
clusters régionaux, soutenus par une administration impliquée et sensible à
l’impératif d’une performance globale et équitable. La finalité est non
seulement d’entrer en compétition avec des entreprises de classe mondiale, mais
aussi de réduire la facture sociale, en permettant à tous d’être partie
prenante. C’est le défi que nous aurons à relever, et il est largement à notre
portée. Il y va de notre avenir et de celui des générations futures.
A mon sens, le futur modèle économique de la Tunisie découlerait d’une refonte
radicale, comportant au moins les axes stratégiques suivants:
– Un vrai plan d’intégration technologique, avec son corollaire l’intégration
d’un système de gouvernance qui favorise le développement personnel et la
performance collective. La Tunisie dispose des compétences pour prendre en
charge la formulation et l’implémentation d’une stratégie technologique
ambitieuse et innovante, qui pourrait servir de moteur de développement pour
l’ensemble de la région.
– Une vraie politique de décentralisation favorisant l’entreprenariat et
l’exploration de nouvelles filières de développement écologique durable générant
des opportunités d’emplois dans les régions. Il s’agit surtout d’éviter de
désigner des régions défavorisées, les classer «prioritaires» et les
défiscaliser pour que des industries polluantes s’y implantent.
– La modernisation des circuits du commerce intérieur et l’intégration du
secteur informel dans l’écosystème fiscalisé, par des moyens incitatifs comme
l’exonération d’impôts pour les métiers précaires, l’accès à une couverture
sociale, etc. Nous devons combiner les objectifs de croissance avec les
objectifs de transparence, de création d’entreprises, de modernisation du
commerce intérieur et d’ascension sociale.
– La suppression de la dichotomie entre secteur on-shore et off-shore dans le
secteur des services. Notre économie ne peut être forte que si elle est soutenue
par un secteur des services fort et internationalisé. De plus, une
simplification drastique de nos systèmes comptable et fiscal serait plus
susceptible d’attirer dans la région des flux de capitaux et des investisseurs,
en particulier dans les services à haute valeur ajoutée, cruciaux pour la
croissance économique et à la résorption du chômage.
Notons, enfin, que notre économie ne peut libérer son plein potentiel que s’il y
a une levée des rigidités administratives, plus de transparence, et plus de
justice sociale. Il faudra oser assouplir la fiscalité, réduire les monopoles,
libéraliser les secteurs périphériques à l’industrie, lever les barrières entre
les différentes administrations, et les intégrer dans une grande instance de
gouvernance, capable de s’adapter elle-même aux mutations sociales, économiques
et technologiques.