ège de Servier, à Neuilly-sur-Seine (Photo : Francois Guillot) |
[17/01/2011 15:27:42] PARIS (AFP) Les laboratoires Servier, deuxième plus important groupe pharmaceutique français, font face à la plus grave crise de leur histoire avec le scandale du Mediator, même si ses conséquences sur l’avenir du groupe restent encore difficiles à évaluer.
“Il est certain que l’image du laboratoire est atteinte, c’est indéniable”, reconnaît Marc Livinec, de l’assureur-crédit Euler Hermes SFAC.
Le groupe et son président-fondateur Jacques Servier, 88 ans, apprennent à gérer une exposition médiatique sans précédent. Pour y parvenir, le groupe a même fait appel à la prestigieuse agence de communication parisienne Image 7 depuis le début de l’affaire.
Pointé du doigt depuis la révélation à l’automne que le Mediator pourrait avoir provoqué des centaines de décès en France en 33 ans, le groupe est encore plus sévèrement critiqué dans le rapport de l’Inspection des affaires sociales publié samedi, qui épingle aussi vivement l’agence des médicaments (Afssaps).
Le coup est d’autant plus rude le cas du Mediator a remis en lumière les précédentes affaires qui ont déjà secoué le groupe, achevant de lui donner une image plus que sulfureuse.
La mise en cause du Mediator, un médicament pour diabétiques en surpoids largement détourné comme coupe-faim durant ses années de commercialisation de 1975 à 2009, survient alors qu’un médicament du même type, l’Isoméride, retiré du marché dès 1997, a déjà valu à Servier plusieurs condamnations en justice.
Le groupe avait alors échappé à de très onéreuses condamnations aux Etats-Unis, où il avait accordé la licence de son produit au groupe Wyeth, qui avait dû faire face à sa place à des poursuites de patients.
Cette dégradation sévère de son image pourrait en fin de compte ne pas avoir de conséquences à long terme pour le groupe, dans un secteur dont le grand public connaît mal les acteurs, selon des experts.
“Même les médecins ne savent pas qui fabrique les médicaments”, relève François Deneux, directeur du pôle santé de la société de conseil Arthur D. Little.
Du point de vue financier, les conséquences pour le groupe restent également difficiles à évaluer à l’heure actuelle. En termes de chiffre d’affaires, l’arrêt des ventes du Mediator ne semble pas avoir handicapé trop durement le groupe, estime M. Deneux.
Reste la question d’éventuelles indemnités à verser aux victimes du Mediator. Si une centaine de plaintes ont déjà été déposées, le montant que devra verser le groupe, assuré auprès d’Axa, en cas de condamnation est forcément inconnu à l’heure actuelle.
“Il y a toutefois une énorme différence entre les poursuites lancées en France et ce qui aurait pu être engagé aux Etats-Unis”, où le Mediator n’était pas commercialisé, relève M. Livinec: “le risque financier est beaucoup plus circonscrit”, estime-t-il.
“J’ai du mal à croire qu’un procès en France pourrait mettre à mal un laboratoire comme Servier”, abonde M. Deneux.
Servier, selon le quotidien Les Echos de lundi, serait toutefois déjà en train d’examiner les provisions qu’il devrait éventuellement constituer pour faire face à ses responsabilités, qu’il s’est engagé à “assumer”.
Mais il risque d’être difficile d’en savoir plus: le groupe, dont le capital est contrôlé par une fondation, n’est pas coté, et donc pas tenu de publier ses bilans financiers.
Plus généralement, relève François Deneux, l’affaire pourrait surtout handicaper Servier –et plus généralement tous les laboratoires de taille moyenne– si elle aboutissait à revoir la politique de remboursement du médicament en France.
Servier revendique un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros et emploie 20.000 personnes dans le monde.