Même si les questions de sécurité sont le principal sujet d’inquiétude des
Tunisiens en ces temps de crise (qui commence à s’éclaircir heureusement), il
n’empêche que d’autres questions cruciales sont dans tous les esprits en ce qui
concerne la reconstitution démocratique et la transition.
Ainsi en est-il du rôle et de l’avenir de l’ancien RCD et ses ministres. Une
partie importante des opposants est catégoriquement contre la participation des
RCDistes sous toute forme que ce soit, et certains sont descendus dans les rues
le matin du lundi 17 janvier pour le crier haut et fort.
Une autre partie de l’opposition a accepté le rôle dévolu à Mohamed Ghanouchi et
s’apprête à partager avec certains anciens ministres, comme Kamel Morjane, Ahmed
Friaa et quelques technocrates comme Afif Chelbi par exemple, le travail de
transition du gouvernement de salut public qui doit organiser la transition.
Ceux qui participent à ce gouvernement sont effrayés par le spectre d’une crise
à l’irakienne qui a vu l’interdiction du parti Baath créer un vide qui peut être
extrêmement dangereux pour le pays.
Une deuxième question d’une importance capitale, elle aussi, concerne la
participation des opposants interdits sous l’ancien régime et particulièrement
le POCT, Parti Ouvrier Communiste Tunisien, qui par son histoire militante et
par les actions et l’envergure de son leader Hamma Hammami, ne peut être ignoré
dans une scène politique démocratique. Comme il serait inimaginable d’ignorer le
mouvement islamiste Ennahdha, qui a payé lourdement son opposition sous le
régime de Ben Ali et qui compte parmi les familles d’opinion notoirement
présente dans la société.
Il est évident qu’une élection démocratique est la seule capable de bien
distinguer le poids de chacun mais en attendant, tous les Tunisiens ont, par
principe, le même droit à la participation à cette transition d’une manière ou
d’une autre. D’ailleurs, d’autres partis comme le Congrès pour la République de
Moncef Marzouki ou le parti de la Tunisie Verte d’Abdelkader Zitouni se sont
déjà manifestés et il y aura d’autres encore auxquels le Gouvernement d’Union
Nationale aura à répondre…
Comme on s’attendait, les anciens partis de l’opposition parlementaire dite de
«décors» ont été refusés par les opposants plus radicaux, et du coup le MDS, le
PUP, les Verts, le PSL, ou l’UDU ne pourront pas prétendre à une quelconque
participation .Cependant, personne ne pourra les empêcher ensuite de participer
à des élections qui, le jour venu, seront ouvertes à tous les partis constitués.
Mais il va leur falloir trouver les mécanismes à même de les épurer de
l’histoire de 23 ans de collaboration avec Ben Ali, comme ce qu’a déjà annoncé
le bureau politique du PUP en éloignant son secrétaire général, Mohamed Bouchiha.
D’autres questions se posent à d’autres niveaux et concernent aussi cette
transition démocratique et particulièrement les questions liées à la
Constitution de 1959 et son utilisation. Une grande partie de l’opposition pense
que cette Constitution a fait son temps et que 50 ans de dictature, de pouvoir
personnel et de régime de parti unique l’ont complètement étriqué et vidé.
Ces opposants pensent que les ambitions d’un régime démocratique que les
Tunisiens réclament aujourd’hui méritent l’appel à l’élection d’une assemblée
constituante et de l’élaboration d’une nouvelle Constitution comme celle de
l’Afrique du Sud de Mandela par exemple.
Au préalable à cette nouvelle question, on doit veiller à l’instauration rapide
de la liberté de la presse et de l’indépendance de la justice ce qui constitue
les garanties nécessaires, bien que non suffisantes, pour une bonne préparation
aux élections démocratiques.