érence de presse, le 17 janvier 2011 à Londres (Photo : Ben Stansall) |
[19/01/2011 08:26:35] OSLO (AFP) Ayant fait main basse sur les 250.000 notes en possession de WikiLeaks, le journal norvégien Aftenposten lève le voile depuis un mois sur les secrets de la diplomatie américaine sans avoir à suivre le script bien ordonné de Julian Assange.
Dans les locaux feutrés de la rédaction, en plein coeur d’Oslo, une trentaine de journalistes épluchent l’immense base de données obtenue par un tour de passe-passe dont il n’est pas question de livrer les ficelles.
“Cela a nécessité pas mal de boulot. Disons qu’on n’a pas eu tout cela par un courriel qui s’est égaré”, confie à l’AFP le rédacteur Ole Erik Almlid.
“Mais nous n’avons pas payé, aucune condition n’y était attachée et on publie absolument ce qu’on veut en suivant les stricts critères rédactionnels habituels”, ajoute-t-il.
Ce faisant, Aftenposten a enfoncé un coin dans la stratégie de WikiLeaks qui a conclu un accord avec cinq grands titres internationaux — The Guardian, The New York Times, Le Monde, Der Spiegel, El Pais — en vue de diffuser ces documents par blocs selon des conditions non dévoilées.
Au fil des jours, le journal de référence norvégien, qui tire à 240.000 exemplaires, fait ses choux gras des télégrammes diplomatiques américains, potentiellement lourds de conséquences. Il a ainsi rapporté qu’Israël avait voulu asphyxier Gaza économiquement, et que l’Allemagne travaillait sur des satellites-espions au grand dam de Paris, et que la Syrie avait facilité les attaques contre les ambassades scandinaves lors des manifestations contre les caricatures de Mahomet en 2006.
A l’appui de ses articles, le journal publie systématiquement sur son site www.aftenposten.no les documents qu’il cite.
énéral du fabricant allemand de satellites OHB System, le 22 novembre 2010 à Brême (Photo : Carmen Jaspersen) |
Ces révélations ont coûté son poste au dirigeant du fabricant allemand de satellites OHB System, Berry Smutny, suspendu pour avoir taxé le GPS européen Galileo d'”idée stupide”, selon une note publiée par Aftenposten, alors que son groupe est un des gros bénéficiaires du programme.
“Même s’il n’en ressort peut-être pas de scoop d’ampleur mondiale, on se souviendra de ces télégrammes comme étant passionnants”, estime M. Almlid.
En résidence surveillée en Grande-Bretagne avant une éventuelle extradition vers la Suède où il fait l’objet d’une enquête pour viol et agressions sexuelles, Julian Assange, également dans le collimateur des autorités américaines, tente, lui, de faire bonne figure.
Aftenposten est “un média partenaire” de WikiLeaks, a déclaré l’Australien au journal d’affaires norvégien Dagens Naeringsliv début janvier.
Une affirmation catégoriquement contestée par le prétendu partenaire.
“Selon nos informations, Julian Assange est — c’est un euphémisme — très peu content qu’Aftenposten lui aussi ait obtenu (…) les 251.287 documents diplomatiques américains auprès d’une source”, écrivait sa rédactrice en chef, Hilde Haugsgjerd, le 4 janvier.
L’immense masse de documents devrait en tout cas fournir à Aftenposten de la matière pour alimenter ses pages “pendant encore un an, peut-être deux”, selon M. Almlid.
En veillant bien à ne pas mélanger les genres entre travail d’historien et métier de journaliste, ce qui nécessite d’ancrer ces informations, souvent un peu anciennes, dans l’actualité immédiate.
“Quand les documents WikiLeaks ont commencé à être publiés, l’angle était vraiment +voici les télégrammes, voici ce que les Etats-Unis pensent du reste de la planète+”, témoigne Lars Inge Staveland, un journaliste d’Aftenposten.
“Mais aujourd’hui on est dans une nouvelle phase: on utilise ces documents comme tremplins pour des articles beaucoup plus larges et s’appuyant sur d’autres sources”, dit-il. “Ce n’est pas toujours l’opinion des ambassades qui fait désormais l’angle de nos papiers”.