Péril social en entreprise, menace sur la croissance, alertent des sénateurs

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és en grève en octobre 2010 à Caen (Photo : Kenzo Tribouillard)

[19/01/2011 15:54:57] PARIS (AFP) Des sénateurs de tous bords ont jeté un pavé dans la mare avec un rapport qui pronostique des tensions croissantes dans les entreprises, des gains salariaux ralentis et une croissance en berne, faute d’initiatives pour favoriser “un modèle de travail digne et rémunérateur”.

“Le fonctionnement du pacte social dans l’entreprise doit être impérativement amélioré dans le sens d’une meilleure reconnaissance des salariés et d’une revalorisation du travail”, a affirmé mercredi à la presse le sénateur Joël Bourdin (UMP), président de la délégation à la prospective du Sénat, co-auteur avec Patricia Schillinger (PS).

Le rapport à la tonalité très sociale, de plus de 400 pages, avait été commandé il y a un an par le président du Sénat Gérard Larcher (UMP), ancien ministre du Travail, à cette délégation unique en son genre, qui a procédé aux auditions de responsables syndicaux, patrons et chercheurs.

Les sénateurs constatent un “malaise actuel dans l’entreprise” sur fond de concurrence et de mobilité des capitaux croissantes, avec “des gains salariaux ralentis et des inégalités salariales croissantes”, alors que les revenus du capital sont “en forte augmentation”.

Selon les sénateurs, qui ont remis à plat les méthodes de mesure, la part de la valeur ajoutée (richesse nationale produite) consacrée aux salaires tend à baisser. “On va se friter avec l’Insee”, glisse M. Bourdin, alors que sa conclusion va à l’encontre de celle du directeur général de l’institut de statistiques, Jean-Philippe Cotis, dans un rapport remis en 2009 à Nicolas Sarkozy, qui faisait état d’une stabilité de cette part sur les 20 dernières années.

“Le débat ouvert par le président de la République sur le partage de la valeur ajoutée doit se poursuivre”, préconise la délégation sénatoriale.

Début 2010, M. Sarkozy avait sommé les partenaires sociaux de trouver dans les trois mois un accord sur le partage de la valeur dans l’entreprise, faute de quoi le gouvernement demanderait au Parlement de légiférer. Depuis, les négociations sont au point mort.

Autre élément qui pèse sur le climat dans les entreprises, selon les sénateurs: les nouvelles organisations du travail et de management, “trop orientées par une logique financière de court terme”, engendrent “un stress accru”. Ce “réel inconfort des salariés” est “préjudiciable à la performance des entreprises”.

En l’absence d’améliorations, les sénateurs prévoient un “scénario du pire” pour les 20 à 30 années à venir, avec une répartition de la valeur ajoutée “jouant de plus en plus contre la croissance”, un management exerçant “des tensions renforcées sur le travail au détriment de sa qualité” et “des crises dont l’ampleur pourrait s’accroître”.

Enfin, les élus livrent des pistes pour “s’émanciper” de ce scénario, en préconisant “la réinscription des stratégies d’entreprises dans le temps long”, “un modèle de travail digne et rémunérateur” pour les salariés et une “consolidation du rôle des partenaires sociaux”.

Le but de ce rapport est “d’alimenter le débat”, explique M. Bourdin, qui suggère par exemple au législateur d’imposer des critères sociaux pour la rémunération variable des dirigeants. Pour Mme Schillinger, l’urgence est de lutter contre la “déshumanisation” en entreprise.

Les auteurs relèvent toutefois que les Etats étant “de moins en moins capables de piloter la sphère économique et sociale”, “le bon niveau d’action ne peut plus être réduit au niveau national”. Ils en appellent à l’Europe.