Très mauvaise nouvelle pour la Tunisie émergente de l’après-Ben Ali: Moody’s Investor Service a annoncé, mercredi 19 janvier, l’abaissement d’un cran de la note de notre pays de «Baa2» à «Baa3», ainsi que celle de la Banque centrale de Tunisie à «Baa3» avec une perspective négative. L’agence de notation justifie sa décision par «l’instabilité du pays, due au récent changement inattendu du régime, résultant d’une crise politique qui a débuté par des émeutes sociales». Relevant que la poursuite des troubles et la situation politique «mettent en danger la stabilité du pays», l’agence de notation «met en garde contre le prolongement d’une crise qui serait potentiellement dommageable pour l’économie du pays, étant donné sa dépendance envers le secteur du tourisme et les investissements étrangers».
Le message est donc clair qui s’adresse en premier lieu au gouvernement de transition présidé par M. Mohamed Ghannouchi: si la situation n’est pas rapidement clarifiée, la facture économique risque d’être très salée. Or, l’incertitude qui pèse actuellement sur le pays –et qui risque, malheureusement, de s’accentuer- est imputable au gouvernement et en premier lieu au Premier ministre. En effet, le dernier chef de gouvernement de l’ère Ben Ali et le premier de l’après-14 janvier n’a pas su envoyer aux Tunisiens le message clair qu’ils attendaient et signifiant que la page de l’ancien régime est réellement et définitivement tournée.
Les Tunisiens ont continué à manifester parce que le message qui leur a été envoyé était assez brouillé. Certes, les médias se sont déjà libérés de la chape de plomb qui pesait sur eux et commencent à réapprendre à jouer leur rôle: informer correctement et donner la parole aux citoyens. Certes, aussi, le Premier ministre a annoncé que tous les prisonniers d’opinion allaient être amnistiés, que toutes les formations politiques non-reconnues qui demanderaient à être légalisées le seront, que toute la lumière allait être faite sur les responsabilités dans la répression sanglante du mouvement populaire –notamment pour déterminer qui a donné l’ordre de tirer et qui a effectivement tiré sur les foules- et toutes les malversations financières et économiques commises avant le 14 janvier 2011.
Mais là où le Premier ministre a été en deçà de l’attente des Tunisiens au moins sur un point: la composition du nouveau gouvernement intérimaire d’union nationale. Dans ce domaine, l’erreur a été de faire figurer dans la nouvelle équipe gouvernementale des représentants du RCD –quatre ou cinq- trop engagés dans la magouille politique de l’ancien régime et/ou très proches des Trabelsi.
Ensuite, faut-il, comme le réclament certains, dissoudre le RCD? La réponse appartient en premier à ses militants et ses cadres sincères et intègres –il doit en exister un tant soit peu. Mais il est évident que pour ceux d’entre eux qui voudront encore se mêler à l’avenir de la chose publique, c’est-à-dire faire de la politique, se réclamer du RCD ne constituera guère un avantage dans la nouvelle phase.
Le peuple tunisien en ce qui le concerne dira ce qu’il en pense lors des prochaines élections –même si les manifestations déjà organisées ou en cours en donnent une idée.
Face à cette situation, le gouvernement a intérêt à agir le plus rapidement possible et, notamment à se séparer le plus rapidement s’il ne veut pas que le discrédit frappant ces personnes s’étende à l’ensemble. Et que la situation ne se radicalise davantage rendant impossible le maintien de la formation actuelle et obligeant le chef de l’Etat intérimaire, M. Foued Mbazaa, à remercier le gouvernement actuel et à nommer une personnalité indépendante, voire de l’opposition, afin de donner à la Tunisie le gouvernement susceptible de ramener dans le pays la stabilité qui permettra à l’agence Moody’s Investor Service d’améliorer la note accordée à notre pays.
La balle est dans le camp du premier ministre.
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