épouse Leila, le 25 octobre 2009 à Carthage |
[20/01/2011 14:07:52] PARIS (AFP) Des dizaines de milliards de dollars sont détournés chaque année dans les pays pauvres, mais, comme l’illustrent les cas tunisien et haïtien, la traque, le gel et surtout la restitution de ces avoirs s’apparentent à un parcours d’obstacles.
“Récupérer le produit de la corruption est complexe”, reconnaissent la Banque mondiale et l’ONU dans un “guide” qu’elles viennent de publier pour faciliter la tâche des Etats concernés.
Dès le lendemain de la fuite du clan Ben Ali de Tunisie, le 14 janvier, plusieurs leviers ont été activés pour éviter que le président déchu et son entourage, accusés d’avoir bâti leur pouvoir sur la corruption, ne se volatilisent avec l’argent et les “biens mal acquis” à l’étranger.
La France, suivie de la Suisse, ont annoncé leur intention de bloquer les avoirs qu’ils y auraient accumulés grâce aux deniers publics détournés.
Sur le front judiciaire, trois associations ont porté plainte mercredi à Paris, tandis que la justice tunisienne ouvrait une enquête pour “acquisition illégale de biens” et “placements financiers illicites à l’étranger”.
“Les villas et les appartements ne vont pas bouger, mais un compte bancaire, ça se vide en deux temps trois mouvements”, met en garde Daniel Lebègue, président de Transparency International France, une des associations à l’origine de la plainte parisienne. “Dans une situation comme celle-ci, les premiers moments sont cruciaux”.
Ces interventions n’ont encore rien donné de concret. Paris a juste été “informé” de “mouvements suspects” sur des avoirs en France.
Même s’ils sont identifiés, ils ne pourront être bloqués que pendant deux jours par la France. Leur gel dépendra ensuite de la justice.
“Ce qu’ont fait les autorités françaises est très insuffisant”, déplore Daniel Lebègue en justifiant sa plainte, avant de soupirer: “On sait déjà que deux avions du clan Ben Ali ont quitté la France dimanche. Qu’y avait-il à bord? Il y a un risque évident qu’ils aient déjà organisé la fuite des fonds”.
L’expérience montre que, même lors de la chute des régimes incriminés, les Etats ont le plus grand mal à récupérer leur dû.
ésident haïtien Jean-Claude Duvalier et sa femme Veronique Roy, le 18 janvier 2011 (Photo : Hector Retamal) |
Selon les estimations internationales, 20 à 40 milliards de dollars sont dérobés chaque année aux pays en développement du fait de la corruption. Mais en plus de quinze ans, seuls cinq milliards ont pu être rendus.
A titre d’exemple, la Banque mondiale souligne que 20 milliards de dollars permettent de financer la construction de 48.000 km de routes ou le traitement pendant une année de 120 millions de personnes atteintes du VIH/sida.
Les détournements de l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, qui vient de faire un retour surprise en Haïti où il a été inculpé mardi de corruption, sont considérés parmi les plus graves. Selon la Banque mondiale et de l’ONU, Baby Doc “est accusé d’avoir volé l’équivalent de 1,7% à 4,5% du produit intérieur brut (PIB) haïtien pour chacune des seize années qu’il a passées au pouvoir”.
Une partie de ces avoirs sont bien identifiés: il s’agit de 5,7 millions de dollars déposés par la famille Duvalier sur des comptes suisses et gelés depuis 24 ans par les autorités helvétiques. Mais Haïti, qui en aurait pourtant cruellement besoin, ne parvient toujours pas à les récupérer.
“Les avocats ont multiplié les actes de procédure, et le principe de restitution n’a finalement été admis que très récemment, dans une convention de 2007, par la communauté internationale”, souligne Daniel Lebègue.
La Suisse, dont le secret bancaire en a fait une destination privilégiée des fonds issus de la corruption, se veut aujourd’hui en première ligne contre ce fléau. Elle vient de se doter d’une loi, surnommée “Lex Duvalier”, qui devrait rendre possible la restitution de l’argent aux populations spoliées.