ège de Renault à Boulogne-Billancourt (Photo : Bertrand Guay) |
[20/01/2011 15:38:58] PARIS (AFP) Mis en cause par Renault et licenciés sur la foi d’une enquête menée par une officine privée, les trois cadres soupçonnés d’espionnage ont lancé une contre-offensive judiciaire pour forcer le constructeur automobile à dévoiler ses cartes et laver leur honneur.
Deux d’entre eux, Michel Balthazard, membre du comité directeur de Renault, et Matthieu Tenenbaum s’apprêtent à porter plainte à Paris pour “dénonciation calomnieuse”, un délit passible de cinq ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
Si cette plainte était classée par le parquet, leurs avocats menacent d’ores et déjà de saisir directement un juge d’instruction, comme ils en auront la possibilité dans trois mois selon le code de procédure pénale.
Le délit de dénonciation calomnieuse consiste à dénoncer, spontanément et de mauvaise foi, une personne comme auteur de faits de nature à l?exposer à “des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires”.
La désignation d’un juge d’instruction permettrait aux trois cadres d’avoir accès au dossier et de mener des investigations plus poussées à l’étranger que celles menées dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte la semaine dernière par le parquet de Paris et confiée à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) après une plainte contre X de Renault.
Comme un troisième cadre, Bertrand Rochette, ancien bras droit de M. Balthazard, ils sont accusés par la marque au losange d’avoir diffusé des informations sensibles liées à un projet phare de véhicule électrique dans lequel le groupe français a investi 4 milliards d’euros avec son allié japonais Nissan.
En échange de ces informations, qui ne contenaient selon le constructeur aucune “pépite” d’innovation stratégique, les trois hommes, très bien payés chez Renault, auraient touché de l’argent sur des comptes ouverts à l’étranger, en Suisse notamment.
“Je n’ai aucun compte en banque à l’étranger, je réfute totalement toutes les accusations”, a assuré jeudi sur Europe 1 M. Tenenbaum, ancien directeur de programme adjoint du véhicule électrique. “J’étais sur une trajectoire en or, je gagnais environ 60.000 euros par an à 33 ans”, a-t-il rappelé.
à pied par Renault, le 11 janvier 2011 au siège du groupe à Boulogne-Billancourt (Photo : Bertrand Guay) |
“Aujourd’hui ce qui nous intéresse, c’est de savoir qui est derrière cette dénonciation anonyme (qui a entraîné l’enquête interne de Renault, ndlr) et quel est son motif”, a expliqué à l’AFP un des avocats de M. Balthazard, Me Xavier Thouvenin.
“Renault ne peut que respecter les stratégies de défense des anciens cadres et de leurs avocats”, a réagi l’avocat du constructeur, Me Jean Reinhart. Selon lui, “il s’agit d’une affaire très sérieuse d’espionnage économique, une pratique qui hypothèque parfois l’avenir économique et social des entreprises”.
Renault a déclenché en août 2010 une enquête interne, menée en partie par un détective privé, après l’envoi d’une lettre anonyme comprenant trois noms, dont celui de Michel Balthazard, le plus important des trois cadres incriminés.
Les deux principaux responsables de la sécurité du constructeur, ainsi que le détective, devraient être entendus jeudi ou vendredi par les policiers de la DCRI, selon une source policière.
Les avocats des mis en cause ont d’ores et déjà prévenu qu’ils souhaitaient assister leur client lors de leur audition et se faire communiquer le contenu de la plainte de Renault.
Les trois anciens cadres ont par ailleurs tous saisi les prud’hommes pour contester leur licenciement pour faute lourde, qui les prive d’indemnités de départ.