à Lorient (Photo : Lionel Bonaventure) |
[20/01/2011 17:21:49] PARIS (AFP) Un mini-réacteur de la forme d’un sous-marin posé au fond de l’océan sera-t-il le prochain fleuron de l’industrie nucléaire française? C’est l’espoir du groupe de construction navale DCNS qui vient de lancer ce projet destiné à alimenter en électricité îles et régions isolées.
Baptisé Flexblue, ce réacteur cylindrique de 100 mètres de long et 15 de large “est un concept très innovant qui va, nous l’espérons, renforcer la prééminence du nucléaire français”, a souligné mercredi Patrick Boissier, PDG de DCNS devant des journalistes.
Il y a encore quelques mois, l’industrie nucléaire française plaçait tous ses espoirs commerciaux dans le réacteur nucléaire de 3e génération EPR. Mais cette grosse machine, d’une puissance de 1.650 mégawatts (MW) a essuyé un camouflet majeur lors d’un appel d’offres de 20 milliards de dollars à Abou Dhabi en décembre 2009.
Coûteux, ce réacteur ne convient pas à tous les pays, notamment ceux dont les réseaux électriques sont peu développés.
Pour développer leurs chances à l’export, le groupe nucléaire Areva et l’énergéticien GDF Suez concentrent depuis lors leurs efforts sur l’Atmea, un réacteur de 1.100 MW, tandis qu’EDF veut développer un réacteur avec le groupe chinois CGNPC.
Mais DCNS vient de prendre tout le monde de court en présentant un projet de réacteur de petite puissance (50 à 250 MW), qui plus est sous-marin.
Pour développer ce nouveau produit, l’ancienne Direction des constructions navales entend s’appuyer sur ses 40 ans d’expérience dans la construction de sous-marins à propulsion nucléaire.
Elle a invité Areva (qui fabrique déjà les chaudières des sous-marins), EDF et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à participer aux études dans l’espoir d’installer un prototype aux large des côtes françaises en 2016 ou 2017.
Ancré au fond de l’océan sous 60 à 100 mètres d’eau, contrôlé à distance, Flexblue permettrait d’alimenter de 100.000 à 1 million d’habitants via un câble électrique sous-marin, soit “une ville de la taille de Tanger ou une île comme Malte”, selon M. Boissier.
Transportable par bateau, il serait construit dans les chantiers navals de Cherbourg (nord-ouest), où seraient aussi effectuées les opérations de maintenance et de rechargement en uranium.
D’un coût de quelques “centaines de millions d’euros”, il présenterait plusieurs avantages par rapport à un réacteur classique: construit en série, plus vite (2 ans), il fera l’économie des coûteux travaux de génie civil (béton armé, terrassement, etc.).
Et même s’il était vendu à l’étranger, il serait construit en France avant d’être livré par bateau.
En outre, contrairement au réacteur nucléaire flottant développé par le groupe russe Rosatom, Flexblue bénéficierait de la “protection de la mer”, avance le patron de DCNS.
La chute d’un avion ou d’un missile serait ainsi stoppée par la profondeur d’eau, avance-t-il. Et “l’eau est la meilleure barrière contre les radiations”, souligne-t-il, en remarquant que les déchets nucléaires étaient pour cette raison stockés dans des piscines.
“Avant de présenter ce concept, nous avons vérifié avec les experts de l’Autorité de sûreté nucléaire qu’on n’était pas en train d’imaginer quelque chose d’aberrant”, précise M. Boissier.
“Paradoxalement, mettre un réacteur dans l’eau, c’est relativement sûr”, abonde Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.
“C’est un projet qui peut paraître assez fou mais qui, lorsqu’on l’analyse attentivement, est parfaitement rationnel”, ajoute ce spécialiste du nucléaire.