ésident déchu Ben Ali le 29 novembre 2010 à Tripoli. (Photo : Mahmud Turkia) |
[20/01/2011 19:36:53] PARIS (AFP) Critiquée pour sa maladresse et sa timidité face à la révolution de jasmin en Tunisie, la France entend désormais mettre les bouchées doubles pour traquer les actifs du clan Ben Ali avec la constitution d’une “équipe dédiée” au sein de Tracfin, le service de renseignement de Bercy.
“Tracfin s’intéresse à pas mal de monde, traite des informations sur l’affaire en cours, est très mobilisé et a constitué une équipe dédiée” à cette traque, a expliqué à l’AFP une source proche du dossier.
Le “service” a déjà décelé des “mouvements suspects” sur les avoirs du clan en France et cherche à identifier les membres des deuxième et troisième cercles autour des fidèles du président déchu.
Installé dans les locaux des douanes à Montreuil, dans la banlieue de Paris, Tracfin est un “service secret” au même titre que la DGSE (renseignements extérieurs) ou la DCRI (renseignements intérieurs).
Il compte près de 80 collaborateurs, fonctionnaires ou sous contrats, issus pour la plupart des Finances, de la douane et du fisc. “Il n’y a pas d’agent des services de renseignement à Tracfin mais Tracfin fait partie de la communauté du renseignement”, indique à l’AFP son directeur Jean-Baptiste Carpentier.
“Ses deux missions principales sont la lutte contre le blanchiment d’argent sale et le financement du terrorisme dont découle la troisième, la surveillance des flux financiers”, explique-t-il.
çais devant la banque tunisienne UTB, le 18 janvier 2010 à Paris. (Photo : Miguel Medina) |
Et c’est précisément en raison de cette compétence particulière que dès vendredi soir, lorsque le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali a fui son pays, Tracfin s’est mis “sur l’affaire”, précise-t-on encore de source proche du dossier.
Depuis, la cellule ad hoc réunie pour traquer les avoirs du clan Ban Ali s’intéresse au “noyau dur constitué de la famille proche de l’ancien président tunisien et à tous ceux qui lui sont liés, comme certains hauts fonctionnaires” tunisiens.
Les limiers de Bercy n’attendent cependant pas “grand chose” de ce noyau dur qui se sait surveillé et n’agirait vraisemblablement pas “en direct” pour mettre à l’abri les bien mal-acquis (et non estimés) du clan Ben Ali. “Ce sont des gens suffisamment riches pour avoir des prête-noms”, observe-t-on.
Les enquêteurs de Bercy cherchent ainsi à “s’éloigner du noyau dur pour identifier ceux qui gravitent autour”, les “deuxième et troisième cercles en cours d’identification” et qui sont en possession des biens du clans. Pour cela, ils comptent sur la coopération des autorités tunisiennes.
ésident déchu Ben Ali, après avoir été brûlée, à Hammamet, le 19 janvier 2011. (Photo : Martin Bureau) |
Après la chute du régime Ben Ali, Tracfin a demandé dès dimanche par courriel doublé d’un courrier à l’ensemble des établissements financiers français de lui signaler “sans délai” tout mouvement de fonds suspect, “retraits substantiels en espèces, achat de métaux précieux, envois de fonds vers l?étranger, etc.”
L’ensemble des établissements financiers et non-financiers “banques, notaires, huissiers, avocats, mandataires” et jusqu’aux “sociétés de ventes volontaires”, comme Sotheby’s, Christies ou les commissaires-priseurs ont été alertés, indique-t-on encore. L’attention de ces derniers a été attirée “sur les risques de vente d’oeuvres d’art”.
Jeudi matin, le ministre du Budget, François Baroin, a indiqué avoir été “informé” par Tracfin de “mouvements suspects” sur des avoirs en France du clan Ben Ali, refusant toutefois de parler “d’évasion ou de sortie” de fonds.
“Une banque constate un mouvements au-delà des plafonds”, a-t-il ajouté, sans plus de détails.
Sur cette base, Bercy peut bloquer administrativement pendant 48 heures toute opération présumée douteuse, avant que la justice ne prenne éventuellement le relais.