Tunisie : Pourquoi doute-t-on du gouvernement de transition?


gouv-21012011-art.jpg«Ce gouvernement est passé maître dans l’art de la rhétorique, nous avons
l’impression que dans la réalité, rien n’a vraiment changé. Nous sommes en train
d’écouter les «nouveaux anciens» hauts dirigeants du pays nous débiter les mêmes
promesses et ensuite, nous avons droit aux promesses des promesses. Je ne pense
pas que nous pouvons, avec les mêmes têtes, construire notre nouvelle Tunisie.
Il ne s’agit pas de démissionner du parti. Le parti vit dans la tête et l’esprit
de ces hommes d’Etat. Quelles sont nos garanties quant au fait que ce parti ne
reprendra pas du poil de la bête au bout de 6 mois et ne redeviendra pas aussi
ou plus fort qu’avant».

«Se débarrasser d’un dictateur est une chose, se débarrasser d’un système en est
une autre».

«Don’t steal, Don’t lie, Don’t cheat» (Ne volez pas, ne mentez pas et ne trichez
pas).

«Comment se débarrasser d’un parti centenaire qui a fait face à toutes les
résistances et qui couvre tout le territoire national, il y a même des endroits
déserts où il n’y a pas âme qui vive mais où il y a le drapeau de la cellule du
RCD qui flotte?

Il s’agit de quelques unes des innombrables observations faites pas des
Tunisiens qui se rejoignent tous sur le principe que le RCD garde encore sa
mainmise sur l’Etat tunisien. D’autant plus que les portefeuilles des ministères
de souveraineté ont été livrés aux mains des anciens du régime Ben Ali. Pour ne
citer que le ministère de la Défense nationale accordé à Ridha Grira, qui a
dirigé celui des Domaines de l’Etat et serait intervenu à maintes reprises pour
déclasser des terrains, exproprier d’autres ou même céder des biens immobiliers
appartenant à des étrangers et attribuer des terrains qui étaient la propriété
de l’Etat aux membres de la famille Trabelsi. Ridha Grira aurait même été le
favori de Ben Ali pour occuper le poste de Premier ministre.

Mohamed Ridha Chalgoum aurait lui aussi été très proche de Belhassen Trabelsi,
beau frère de l’ancien président. Il lui aurait permis l’introduction en Bourse
d’une société fantoche montée en association avec un homme d’affaires interdit
de chéquiers et lourdement endetté auprès du système bancaire.

Moncer Rouissi, qui a dirigé l’avant-dernière campagne électorale pour le
président déchu, en collectant en sa faveur des contributions et des dons
extraordinaires, alors que nombre de personnes avaient cru en son indépendance
d’esprit et son intégrité intellectuelle.

La composition de ce nouveau gouvernement n’est pas pour rassurer l’opinion
publique qui, ayant payé cette révolution de son sang, estime qu’il ne s’agit
pas de favoriser l’économie et une paix fragile aux dépens de la démocratie même
si elle ne peut être que relative.

A ce jour, le flou qui règne sur la communication gouvernementale n’est pas non
plus pour attirer la sympathie ou l’approbation de la population à la nouvelle
composition gouvernementale.

Une population qui a renversé toutes les idées reçues et toutes les théories en
matière de révolution. Une population qui a mené sa révolution sans aucun
encadrement idéologique, qui a assuré la surveillance et la sécurité de sa cité
et qui aujourd’hui a la lucidité de dire, nous ne pouvons accepter de bâtir la
Tunisie en comptant sur des dirigeants qui n’ont plus notre confiance.

Quant à la communication de crise, elle est presque absente. C’est ce qui
explique les discours décousus et peu convaincants que nous avons entendus
récemment de la part de nos officiels «transitoires». Nous nous sommes toujours
préparés pour une communication de crise d’ordre économique, jamais d’ordre
social ou politique. La grande erreur de l’ancien gouvernement et du RCD était
d’avoir sous-estimé l’intelligence du peuple et d’avoir cru que l’on pouvait le
leurrer à tous les coups, ce que la réalité a démenti.

Aujourd’hui, il est urgent de mettre fin à ces mouvements extrémistes de
protestation, qu’ils soient populistes, intégristes ou autres. Pour cela il faut
que le gouvernement même de transition soit crédible vis-vis du peuple. Que les
ministères de souveraineté aient à leur tête des personnes crédibles qui ne se
sont jamais mouillées avec qui que ce soit et en lesquelles on peut avoir
confiance, et des compétences «gelées» nous en avons à la pelle en Tunisie. Des
personnes qu’on peut croire et qui ne leurreront pas un peuple intelligent. Tout
comme ils n’induiront pas des jeunes qu’on s’est acharné à dépolitiser et qui
ont mené leur propre révolte avec une conscience politique extraordinaire.

Nous ne pouvons garder les vieux mammouths de l’ancien régime et prétendre
construire un nouvel Etat. Ou dans ce cas, nous devons tous être très éveillés
et vigilants…