Suite à la révolte du peuple tunisien avec son corollaire, la désagrégation du
système féodal injuste, et après 50 ans de dictature du parti unique et inique
et du despotisme politique, la société tunisienne s’est libérée. C’est un vrai
acquis.
Donc, on assiste à un déluge de déclarations, de prise de position, et à une
explosion de liberté. J’ai assisté à des analyses, à la naissance de
consultants, d’analystes politiques, de donneurs de leçons… En somme, à un
foisonnement légitime d’idées, de prises de position. J’ai constaté qu’il existe
10 millions d’analystes tunisiens, ce qui peut se comprendre après un
demi-siècle de rétention et de silence.
J’ai surtout écouté et fort heureusement l’homme et la femme de la rue, du
peuple, j’ai écouté surtout les jeunes s’exprimer et la société civile prendre
position, mais également les avocats et autres juristes, sans oublier les partis
politiques, les universitaires, les opposants, les psychologues, les
journalistes, les écrivains…
On a parlé d’élections, de la Constitution, du gouvernement, de la presse, mais
jamais ou rarement d’économie. Tout se passe le salaire de tous les Tunisiens
était assuré par l’Etat ou l’Administration.
Où est l’entreprise dans toute cette communication? Où sont les hommes et les
femmes d’affaires? Où sont les organisations professionnelles (UTAP, UTICA,
Ordre ingénieurs…)? En un mot pourquoi ce silence?
Aucune prise de position de la classe économique, aucune déclaration. On dirait
que les Tunisiens ne sont intéressés uniquement que par le social, le politique
et la liberté de presse ou d’opinion. C’est légitime, certes, mais et l’emploie,
et l’investissement, et le tourisme, et les investisseurs étrangers?
Dans cet ordre d’idées, ne nous trompons d’objectifs, car ni les partis
politiques ni la société civile ne créeront des emplois… Ce sont les
entreprises, les PME/PMI qui peuvent créer de la richesse par les emplois
qu’elles auront créés.
C’est pour cette raison que nous nous inquiétons de l’absence de l’économie et
de l’entreprise dans les débats politiques en cours en Tunisie. Ce qui est
contre nature, puisque normalement l’entreprise devrait au cœur de toutes les
discussions, surtout que nous devons rassurer, en dialoguant et en écoutant.
Rien ne se fera sans l’économie et l’entreprise. D’ailleurs, certaines
estimations font état de la perte, en seulement six jours, de pas moins de
30.000 emplois.
Les Tunisiens s’installent dans un confort quotidien fait de veillées de
surveillances, un réveil tardif, l’activité commence après 9h du matin et une
séance unique forcée. Et même après le retour du calme, certains hésitent
toujours à rejoindre leur travail et de reprendre leur activité.
Dans ce cas, des petites et moyennes entreprises commencent à souffrir de
l’arrêt et du ralentissement de l’activité, de l’absentéisme, du
raccourcissement du temps de travail, du ralentissement de l’activité bancaire,
douanière et administrative.
Les PME/PMI pourraient manquer de liquidité, arrêter leur plan d’investissement
et de recrutement pour 2011. Et on sait ce que cela aura comme impact sur
l’économie tunisienne, notamment sur les gens qui n’ont pas d’emploi, sur les
régions défavorisées…
A noter également qu’on veut réduire les prix, donc recourir davantage à la
compensation économique de plusieurs produits dont le prix augmente sur le
marché international, particulièrement pour le sucre, les céréales et les
hydrocarbures…
Déjà le FMI prévoit pour la Tunisie un taux de croissance pour 2011 de 2,8%,
alors que pour résoudre le problème du chômage, il faut au moins 8% de
croissance. Ce qui fait dire à certains spécialistes que la Tunisie pourrait
connaître 2 années difficiles. Sachant que le nombre de touristes sera en
baisse, et que l’agriculture serait affectée à cause d’une pluviométrie faible
cette année, du moins pour le moment.
L’arrêt du moins momentané de l’investissement direct étranger et le recul des
investissements, c’est une situation normale vu le traumatisme politique. Ceci
dit, il est impératif d’être vigilant pour ne pas prolonger la recréation; il
faut retourner au travail, arrêter de palabrer et d’analyser.
Miser sur la société du savoir, intensifier la construction des pôles
technologiques, achever la mue politique et sociale par une mue économique,
changer d’époque, diminuer voire bannir l’affairisme, la contrebande, le système
mafieux, les passe-droits et croire en l’Entreprise.
Si la démocratie est une liberté qu’il faut sauvegarder, l’entreprise est le
bien le plus précieux à développer et à soutenir. Car, rien ne se fera sans
elle, ni emplois, ni prospérité, ni richesse.
La Tunisie perd chaque jour des emplois, ses avoirs en devises diminuent, le
risque-pays est à son maximum, ce qui limite sa capacité à recourir à l’emprunt
sur le marché international, dans un contexte mondial économique très perturbé
et en pleine crise, avec le prix du baril de pétrole qui tend vers les 100 Us
dollars, qui accentue le ralentissement de la croissance mondiale; et un dinar
en perte de vitesse…
Il est donc temps de reprendre le travail, et redéfinir nos priorités
économiques en mettant en place une stratégie de soutien pour l’entreprise, donc
pour l’emploi et la croissance.
Voilà le salut de la Révolution tunisienne.