Ravitailleurs de l’armée de l’Air américaine : une histoire sans fin

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Afghanistan, le 25 mai 2010 (Photo : Kasey Zickmund)

[23/01/2011 13:31:29] WASHINGTON (AFP) Le combat à rebondissements entre Boeing et EADS pour la fourniture d’avions ravitailleurs à l’armée de l’Air américaine est censé toucher prochainement à sa fin avec l’attribution du contrat, mais il risque de se prolonger sur le terrain politique, prédisent des experts.

L’appel d’offres, évalué à environ 35 milliards de dollars, porte sur 179 ravitailleurs destinés à remplacer la flotte vieillissante de KC-135 datant des années 1950.

Son histoire est émaillée de coups de théâtre et le contrat a été annulé à deux reprises, après avoir été attribué une première fois à Boeing en 2003, puis une seconde en 2008 à EADS et son allié américain Northrop Grumman.

La troisième sera-t-elle la bonne? Rien ne le garantit selon Richard Aboulafia, analyste au cabinet de consultants Teal Group pour qui “un échec est possible”.

“Rien ne peut être fait parce que c’est le contrat en matière de défense politiquement le plus disputé de l’histoire”, explique-t-il à l’AFP. “Boeing et EADS se sont alliés avec des hommes politiques qui ne vont certainement pas en rester là” une fois le contrat attribué.

La firme de Chicago, qui propose une version militarisée de son B767, peut compter sur le ferme soutien des démocrates, tandis que le géant européen de l’aéronautique, qui compte construire une usine à Mobile (Alabama) pour construire ses ravitailleurs dérivés de l’A330, s’est allié avec un noyau dur de républicains, résume-t-il, reconnaissant n’avoir “jamais vu ça”.

Le dossier est devenu “très politique”, renchérit Loren Thompson, expert au Lexington Institute, et “de nombreuses personnes vont être très mécontentes quoi qu’il arrive”. Le contrat doit être attribué en mars selon lui.

Les derniers soubresauts n’ont rien arrangé: en mars 2009, EADS, qui jugeait la compétition biaisée, a renoncé à participer à l’appel d’offres après le retrait de son partenaire américain. Avant de concourir seul, non sans provoquer entre-temps l’ire de Paris et de Berlin à l’encontre de Washington, taxé de protectionnisme.

En novembre, deux représentants de l’armée de l’Air ont adressé des données techniques de l’offre de Boeing à EADS et inversement. Cette bourde pourrait bien être utilisée pour contester l’attribution du contrat, estime Richard Aboulafia.

Les couteaux sont déjà sortis. La sénatrice démocrate Maria Cantwell de l’Etat de Washington (nord-ouest), berceau de Boeing, a obtenu qu’une audition soit organisée jeudi au Sénat sur les implications de cette bourde.

Boeing, que Loren Thompson voit perdre, a de son côté fait savoir qu’il n’excluait pas une plainte formelle.

Mais plutôt qu’un appel administratif devant la Cour des comptes américaine (GAO), Loren Thompson estime que le groupe américain devrait se situer sur le terrain politique et en appeler à la Maison Blanche ou au Congrès en brandissant l’argument des subventions reçues par EADS pour tout bloquer.

“EADS a plus de flexibilité pour proposer un prix plus faible” en raison de ces subventions et Boeing peut légitimement s’en plaindre, affirme-t-il à l’AFP.

Fin décembre, un projet de loi appelant le Pentagone à tenir compte des subventions perçues par EADS a échoué en raison d’une objection de la part du sénateur républicain de l’Alabama (sud) Jeff Sessions.

Quelle que soit l’issue de l’appel d’offres, “cela se terminera encore par une décision politique”, résume Loren Thompson.

Pour sortir de cette logique, Richard Aboulafia ne “voit pas d’autre solution qu’un partage du contrat” entre les deux sociétés.