La révolte des Tunisiens et surtout de sa jeunesse nous a donné, à nous les
vieux, un exemple de courage et a montré la force de caractère des Tunisiens qui
a forcé l’admiration des observateurs tunisiens et étrangers. Aujourd’hui, il
faut au plus vite remettre la machine économique en marche. Nous le devons à nos
martyrs, nous le devons à nos jeunes qui attendent que leurs aînés au pouvoir
s’intéressent un peu plus à eux et à leur avenir. Nous le devons à tous ces
Tunisiens qui ont montré les situations d’injustice et de grande pauvreté, à
travers les médias lesquels, pour la première fois, leur a donné la parole. Et
beaucoup de Tunisiens ont probablement touché du doigt l’inégalité criante entre
les régions, entre la côte, la capitale et le pays profond.
Après 60 ans d’indépendance, des régions entières souffrent encore de la
pauvreté, de l’action autoritaire pour ne pas dire mafieuse de certaines
autorités régionales et de celle des représentants du parti au pouvoir. Le temps
est venu pour que les injustices soient levées et les responsables de graves
abus du pouvoir sanctionnés.
Une commission a été nommée, des sous-commissions régionales pourront aussi
siéger, recevoir les doléances des Tunisiens et présenter les dossiers aux
autorités pour les sanctions disciplinaires, ou à la justice pour les délits et
crimes.
Le rôle des entreprises publiques dans la prochaine étape
Les entreprises publiques sont encore et heureusement importantes en Tunisie.
Elles travaillent dans différents secteurs et offrent des centaines de milliers
d’emplois. Il faut que ces entreprises donnent l’exemple de la responsabilité et
du sens de l’intérêt supérieur du pays.
Certains de ces chefs d’entreprise ont été nommés dans des conditions douteuses
et se sont mis à la solde d’un ou de plusieurs hommes de la famille régnante.
Certains de ces responsables ont, comme disait un de mes amis, dépassé les
désirs de leurs maîtres qui cherchaient un terrain, une opportunité
d’investissement, quitte à spolier l’Etat de revenus de touristes arrivant dans
notre pays. Le pays ne peut pardonner à tout citoyen reconnu coupable de tels
agissements par une autorité judiciaire surtout lorsqu’il a tiré un bénéfice
personnel pour lui ou sa famille, terrain, passe droits, poste, promotion pour
lui ou ses proches ou, encore plus grave des commissions occultes.
Pour beaucoup qui ont eu une position passive -et c’est le cas de la majeure
partie des responsables économiques, à l’instar de beaucoup de Tunisiens-, et
surtout ceux qui n’ont pas bénéficié des largesses d’un système qui a érigé la
corruption parallèlement à la violence comme moyen de gouvernance…
La loi tunisienne, comme toutes les législations de par le monde, clame qu‘une
personne est présumée innocente jusqu’à preuve du contraire. Donnons même à ceux
qui ont profité de l’ancien système pour s’enrichir illégalement, voler, abuser
de leur pouvoir pour humilier d’autres Tunisiens ou les faire souffrir, les
droits que la Constitution tunisienne leur reconnaît.
Il ne faut pas faire le jeu de certains qui, pour se blanchir, vont pousser à
l’extrémisme en criant à la justice immédiate et aveugle.
En faisant cela, nous leur interdisons toute excuse pour détruire des documents
ou des preuves nécessaires à la justice en déclarant que ces documents ont été
détruits par la foule incontrôlable qui a suivi leur départ forcée de leur
poste. Nous donnerons ainsi à nos jeunes, en premier lieu, et au monde qui nous
observe l’image que nous sommes bien les héritiers de Carthage, d’Ibn Khaldoun
et de tant d’autres grands hommes que notre pays a enfantés.
Nous rendrons services à nos entreprises, à nos travailleurs et à notre pays.
Tout emploi préservé, tout outil de travail défendu et maintenu en bonne
condition de fonctionnement est une victoire par le pays tout entier.
Le transfert de l’autorité d’anciens PDG à de nouveaux que les autorités
actuelles ne manqueront pas de nommer lorsque cela s’avèrerait nécessaire
évitera à nos entreprises publiques les soubresauts qui les affaibliront alors
que nous avons besoin aujourd’hui qu’elles se développent, renforcent leurs
capacités pour être et rester un outil aux mains de l’Etat pour redémarrer
l’emploi dans les régions qui en ont le plus besoin. Pas nécessairement en
recrutant elles-mêmes mais en encourageant l’initiative aujourd’hui libérée et
en utilisant les mécanismes existants (essaimage, externalisation, fonds communs
à risque, sociétés d’investissement à risque…).
Ces mécanismes, qui n’ont pas donné de résultats probants, car mis en place pour
servir de vitrine au pouvoir ancien, peuvent aujourd’hui aider grandement notre
pays à gagner la bataille de l’emploi. L’analyse des expériences d’autres pays
montre que ce sont les entreprises publiques qui ont initié ces actions en
sortant certaines de leurs activités ou en organisant leurs besoins en matières
premières ou services pour faire bénéficier la localité ou la région où elles
sont installées. Cette action d’essaimage à été ensuite reprise par le secteur
privé. Le secteur privé est aujourd’hui appelé à faire beaucoup plus d’efforts
pour seconder l’action du secteur public par de nombreux moyens.
(Lire la seconde partie: Rôle des entreprises privées)