Abidjan, le 18 janvier 2011 (Photo : Issouf Sanogo) |
[25/01/2011 17:24:37] LONDRES (AFP) L’appel à un arrêt des exportations de cacao par le président ivoirien reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara, fait s’envoler les cours de la fève brune et inquiète les négociants, sur un marché suspendu à la crise politique du premier producteur mondial.
Opposé depuis plus d’un mois au chef d’Etat sortant Laurent Gbagbo, le gouvernement d’Alassane Ouattara a confirmé lundi avoir “informé les opérateurs économiques de l’arrêt immédiat de toute exportation de café et de cacao” jusqu’au 23 février.
Bien que raillée par le camp Gbagbo, qui affirme que “cela n’aura aucun effet sur le terrain”, l’annonce a provoqué un choc sur le marché du cacao, la Côte d’Ivoire fournissant plus d’un tiers de la production mondiale.
Dès lundi matin, les cours de la tonne de cacao se sont envolés de 7%, atteignant à New-York leur plus haut niveau depuis un an et grimpant à Londres à un niveau sans précédent depuis août (tout en restant en-deçà du record de 33 ans enregistré en juillet).
Déjà soutenu par la communauté internationale, M. Ouattara semble avoir été entendu par les investisseurs, ce qui constituerait un développement important pour lui permettre d’asseoir son autorité de manière concrète sur le pays.
Pour Kona Haque, analyste de la banque Macquarie, “la plupart des grands négociants et chocolatiers devraient se plier à l’injonction de M. Ouattara: s’il est reconnu président, ils ne veulent pas se retrouver dans le mauvais camp”, d’autant qu’il est appuyé par l’Union européenne et que Washington soutient son appel à un arrêt des exportations.
“Il devrait sans aucun doute y avoir un impact à court terme, une nette réduction de l’offre ivoirienne de cacao pendant un mois”, alors que les courtiers misent toujours sur une consommation mondiale robuste avec Pâques en ligne de mire, a-t-elle expliqué à l’AFP.
Pour le moment, “l’appel de M. Ouattara est pour une période limitée, et il est difficile de dire à quel point cette demande sera respectée” par les grands négociants, tempérait Laurent Pipitone, économiste de l’Organisation internationale du cacao (ICCO).
Deux organisations professionnelles, la Fédération du commerce des cacaos et l’Association européenne du cacao, ont publié dès dimanche soir une déclaration commune faisant prudemment état de leurs préoccupations face à “un environnement (commercial) extrêmement éprouvant” et disant “chercher à clarifier la situation”.
Selon le Financial Times, le groupe agroalimentaire américain Cargill, premier négociant de cacao dans le monde, a d’ores et déjà “suspendu temporairement” ses achats de fèves brunes en Côte d’Ivoire, ce qu’une porte-parole interrogée par l’AFP n’a voulu ni confirmer ni infirmer.
Même réserve du côté du groupe helvétique Barry Callebaut: le numéro un mondial du chocolat industriel se contente de préciser avoir des stocks “suffisants pour couvrir les besoins actuels du groupe”.
“Nous avons déjà exporté (depuis la Côte d’Ivoire) la plus grosse partie de la quantité de fèves que nous avions prévu d’y acheter, nécessaire pour répondre à nos besoins”, a indiqué un porte-parole, Raphael Wermuth.
La récolte ivoirienne est attendue abondante cette saison, grâce à des conditions climatiques exceptionnelles, ce qui pourrait limiter la fièvre des cours, d’autant que le marché mondial devrait être excédentaire en 2011 selon l’ICCO.
“La crise ivoirienne créé des perturbations dans la distribution mais devrait avoir des conséquences limitées sur la production du pays. L’instabilité en Côte d’Ivoire ces dernières années a surtout généré un manque d’investissement dans les infrastructures cacao du pays”, relevait M. Pipitone.