Dans une interview donnée à
Webmanagercenter le 12/10/2010 dernier
,
Tarek AKROUT, expert en matière de gestion de crises et des plans de continuité
d’activité, qui depuis plus d’une décennie a accompagné des grands comptes en
Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient autour de sujets des risques
extrêmes, a indiqué que l’année 2011 serait l’année du PCA pour les entreprises
tunisiennes.
De nouveau, nous avons souhaité l’interviewer afin d’analyser avec lui la
situation actuelle de la continuité d’activité des entreprises tunisiennes et
recueillir quelques recommandations utiles en situation de crise.
Webmanagercenter : Vous avez indiqué dans notre précédente interview que l’année
2011 serait l’année du PCA pour les entreprises tunisiennes, hasard ou
intuition?
Tarek Akrout : Nni l’un ni l’autre. Ce que j’avais exprimé reflétait un besoin
naissant pour les entreprises tunisiennes relatif à la maîtrise des risques dans
un contexte d’économie de marché intégrée où la défaillance d’un maillon
d’activité peut causer une perturbation de l’ensemble d’un secteur économique
voire de l’économie entière.
Comment vous évaluez les risques d’arrêt d’activité pour les entreprises
tunisiennes ?
Nous sommes dans une situation complexe pour les entreprises tunisiennes qui
sont confrontées aujourd’hui et simultanément aux 4 scénarii de risques
classiques que nous avons déjà évoqués dans la précédente interview:
– indisponibilité des locaux (incendie, dégradation, périmètres de sécurité,
blocage de site, …);
– indisponibilité de l’informatique et des systèmes d’information (problèmes
techniques, destruction, disparition des dossiers papier, …);
– indisponibilité des ressources humaines (risque social, absentéisme,
inaccessibilité des sites, …);
– défaillance des fournisseurs clés eux-mêmes soumis aux mêmes risques que
l’entreprise.
Vous voulez dire que même les PCA (Plans de Continuité d’Activité) n’auraient
servi à rien face à une situation aussi extrême?
Ce n’est pas ce que je dis, bien au contraire, analyser et préparer ces
situations d’avance permet à l’entreprise de se poser les bonnes questions par
rapport à ses priorités en situation de crise. Cela permet d’éviter
l’improvisation et l’hésitation en situation de stress.
Certes chaque situation de crise est unique mais avoir des réflexes et des
outils de gestion de crise pour l’entreprise est un gain de temps et gage
d’efficacité opérationnelle.
A noter également que malgré le caractère complexe de la situation actuelle, les
niveaux d’exigence de redémarrage d’activité demeurent bas par rapport aux
niveaux d’exigence d’une crise qui touche une entreprise toute seule. En effet,
les entreprises dont l’activité s’arrête aujourd’hui bénéficient d’un certain
niveau de tolérance de la part des clients, des salariés et des partenaires car
la situation est généralisée et exceptionnelle. Cette tolérance se réduirait à
zéro si l’entreprise se retrouvait sinistrée toute seule. C’est l’exemple des
salles de marchés qui ne tolèrent pas plus de 2 à 4 h d’arrêt dans un contexte
classique et qui, dans le contexte des attentats du 11 Septembre, ont toléré
quelques jours d’arrêt.
Face à cette situation, que conseillez-vous aux entreprises?
Une première mesure s’impose pour toutes les entreprises: se doter d’un
dispositif de crise efficace et prévoyant. Un dispositif de crise formé de deux
cellules de crises:
– cellule de crise décisionnelle dont le rôle est d’analyser et décider des
mesures à prendre en matière de sécurité des personnes et des biens, de reprise
des activités, de la communication externe et interne et de la gestion des
ressources humaines;
– cellule de crise opérationnelle dont le rôle est de garantir la bonne
application des décisions et la mesure de leurs impacts sur le terrain.
Pour les entreprises qui vivent des situations de crise, ce dispositif
structurera l’action et garantira la maîtrise de la situation. Pour les autres,
le dispositif permettra d’anticiper, d’éviter l’aggravation des facteurs de
risques et de préparer les ripostes adéquates.
Au-delà de cette mesure d’urgence, je conseille les entreprises de lancer sans
tarder une démarche de mise en place de plans de continuité d’activité répondant
aux trois objectifs suivants:
– comprendre précisément les menaces et les priorités des processus métiers de
l’entreprise;
– formaliser d’avance des plans et des procédures de continuité d’activité ;
– définir un plan d’entraînement visant à valider régulièrement la capacité de
l’entreprise à assurer la continuité de son activité.
Quelles sont les entreprises qui doivent lancer un PCA en priorité?
En priorité 1, les banques. La continuité d’activité de l’économie nationale en
dépend. Ce n’est pas un hasard que les accords de Bâle, repris par les Banques
centrales y compris en Tunisie, imposent aux banques de se doter d’un plan de
continuité d’activité.
D’autres entreprises doivent obligatoirement disposer de PCA, il s’agit des
opérateurs d’infrastructures vitales telles que l’eau, l’électricité, les
télécommunications, le transport, les laboratoires pharmaceutiques, le courrier
… qui, au-delà de la continuité de leurs activités, ne doivent pas bloquer la
continuité d’activité du pays.
Enfin, les entreprises exportatrices doivent rassurer leurs partenaires
étrangers sur leurs capacités de continuité d’activité en cas de sinistre. Les
entreprises européennes qui délocalisent certaines activités en Tunisie et au
Maghreb seront dorénavant de plus en plus regardant sur les garanties de
continuité d’activité.